Le Songe

Henri FANTIN-LATOUR
1889
48,6 x 57,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1904

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Ce calque de grand format, à l’exécution soignée, est emblématique de l’incessant travail de reprise, de réplique et de duplication propre à Fantin-Latour. Il a en effet été réalisé directement sur une toile de 1854, Le Songe, aujourd’hui conservée au Musée de Grenoble (MG 2489 ). Le tableau ne revint chez Fantin qu’après un périple mouvementé : c’est le graveur Bracquemond, proche de Fantin, qui le rachète chez un brocanteur et le rend à son auteur, qui en avait fait don à un ami peintre, Solon, dès 1854. Ainsi, la réapparition duSonge dans l’œuvre de Fantin en reprend scrupuleusement la composition et les détails sans rectifications et le met au carreau pour en tirer un pastel, présenté au Salon de 1889.
Le pastel sera transformé en huile, que l’artiste expose au Salon de 1893. Bel exemple de la longévité d’une composition qui traverse sans changement les transpositions d’un médium à l’autre pendant près de trente ans.
Il fallait que le thème fût cher à Fantin. Le Songe a en effet valeur de programme esthétique pour un peintre qui place de plus en plus la « féerie » au cœur de son art. Un jeune homme nu à droite de la composition s’est endormi dans un paysage de convention. Il ne tarde pas à être visité par le rêve que peuplent des figures allégoriques (la Renommée qui se présente munie de la palme) et divines. L’irréalité de la scène est accentuée par les multiples emprunts à la tradition picturale, parmi lesquels les références à Girodet qu’il a beaucoup copié (Le Sommeil d’Eudymion du musée du Louvre) et à Prud’hon sont les plus frappantes [1]. Ajoutons que les dessins de Fantin-Latour ont été souvent comparés à ceux de Prud’hon pour leur volonté et leur « morbidesse ». Par des moyens différents toutefois, Fantin se montre attentif aux effets de texture. Il a utilisé un crayon gras sur un papier calque, qu’il a, une fois la composition relevée directement sur la toile, vraisemblablement posé sur un papier vergé. Ainsi, à mesure qu’il noircit son dessin, les vergeures de la feuille s’impriment.


[1] La Renommée rappelle la figure de la Gloire dessinée par Prud’hon pour le berceau du roi de Rome, tandis que derrière elle se balance une jeune femme tel le Jeune Zéphyr se balançant… (1814, Dijon, musée des Beaux-Arts).

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