Prélat debout devant un fauteuil, tenant une crosse de la main gauche; esquisse de la figure sur la gauche
Le dessin, de belle qualité, demeure énigmatique à plusieurs égards. Le modèle semble être un cardinal ou un archevêque comme le montrent la barrette sur la tête, le vêtement qu’il porte et la crosse ou le bourdon qu’il tient de la main gauche. La couleur du vêtement permettrait de faire la différence puisque celui-ci est rouge pour un cardinal. L’ecclésiastique est vu en pied, devant son fauteuil, esquissant de la main droite un geste d’éloquence ou de présentation, et la raideur que pourrait avoir cette effigie d’apparat est nuancée par le regard direct que porte le modèle vers le spectateur.
Conservé sous une attribution à Philippe de Champaigne, le dessin, qui n’a pas été mentionné par Bernard Dorival dans son ouvrage consacré à l’artiste (1976), ne peut pas rester sous ce nom même s'il évoque en effet les nombreuses effigies en pied du cardinal de Richelieu dues à Philippe de Champaigne. Il ne peut pas non plus revenir à un membre de son cercle comme Jean-Baptiste de Champaigne ou Nicolas de Plattemontagne. Il ne revient pas non plus, comme nous l’espérions, à un graveur comme Grégoire Huret ou Michel Lasne. Huret a représenté à plusieurs reprises des prélats en pied dans ses ambitieuses compositions, destinées à des frontispices de livres ou des positions de thèses, mais ses dessins, bien étudiés par Emmanuelle Brugerolles et David Guillet (1997 et 2001), comme l’étude de La France apparaissant au cardinal de Richelieu ou celle de Mazarin entourée de figures allégoriques pour une thèse de théologie soutenue en 1647 (Paris, École nationale supérieure des beaux-arts ; Brugerolles et Guillet, 1997, p. 26, fig. 23 et p.28, fig. 25), montrent une facture plus soignée, un faire plus serré que celui, plus pictural, du dessin de Grenoble. Le dessin était sans doute préparatoire pour un tableau et malgré la rareté d’une telle représentation en pied, il n’a pas été possible de rapprocher cette étude d’une œuvre précise. Maxime Préaud (comm. orale, 2011) trouve que le modèle présente quelque ressemblance avec Alphonse Du Plessis de Richelieu, cardinal de Lyon, frère du fameux cardinal. Né en 1582, évêque de Luçon en 1606, archevêque d’Aix puis de Lyon, il devint cardinal en 1629 et meurt en 1653 après avoir passé vingt ans chez les Chartreux. Claude Mellan a gravé un portrait d’Alphonse Du Plessis de Richelieu en buste à Rome en 1636, au moment où l’ecclésiastique négociait dans la Ville éternelle la dissolution du mariage de Gaston d’Orléans (IFF XVIIe Mellan n°192). L’aspect général du visage et de la coiffure sont comparables mais les traits du modèle ne sont pas suffisamment précis sur le dessin pour qu’on puisse en tirer une conclusion. Pour les autres cardinaux français, dont plusieurs ont eu leur portrait gravé (conservés notamment dans la série N du département des Estampes de la BnF), François de La Rochefoucauld, Louis Nogaret de la Valette-Epernon, Nicolas-François de Lorraine, Pierre de Bérulle, Antoine Barberini, Jules Mazarin, Jérôme Grimaldi, Achille d’Etampes de Valençay, Michel Mazarin, ou encore Jean-François de Gondi, cardinal de Retz, créé en 1652, il s’est avéré trop difficile de faire des propositions. Toutefois l’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi (1584-1654), portraituré par Michel Lasne (IFF XVIIe Lasne n°333), n’est pas sans évoquer le visage rond du modèle dessiné qui montre une royale et une chevelure proches.
L’utilisation pleine d’aisance de la sanguine indique un dessinateur averti vers le milieu du XVIIe siècle, voire un peu plus tôt.