Etude de jeune fille
Souvent associé au nom d’Ernest Hébert dont il est l’élève, Auguste Félix ne fait l’objet d’aucune étude sérieuse et est très peu représenté dans les collections publiques. Originaire de Bernin en Isère, il entre à l’École des beaux-arts de Paris en 1878 – grâce au soutien financier de sa commune natale deux années de suite pour son « volontariat » – et suit l’enseignement d’Henri Lehmann et du sculpteur Aimé Irvoy. Il participe pour la première fois au Salon en 1884, avec deux portraits. Ses talents de portraitistes sont d’ailleurs très appréciés des notables dauphinois. Il travaille aussi pour des journaux locaux, comme ses comparses Tancrède Bastet et Édouard d’Apvril, publiant des portraits au crayon souvent effectués d’après photographie. Nommé professeur de dessin à Neufchâteau et à l’École des arts industriels de Grenoble, Félix devient le protégé d’Hébert. Ce dernier lui confie la réalisation d’une copie de son tableau de Salon Les Cervarolles, précisant au commanditaire, le général de Beylié, qu’il réalisera lui-même les figures. Plusieurs petits paysages à l’huile représentant les abords de la maison de campagne du maître, de la main de Félix, sont d’ailleurs conservés au musée Hébert de La Tronche. Ce très beau pastel de femme, daté de 1901, est un don de Madame Hébert la même année, et donc du vivant de son mari. « Je suppose que vous avez vu l’ami F[élix]. Je serai bien aise d’offrir le joli pastel qu’il vous montrera – au musée ! Est-ce faisable ? M. H[ébert] le trouve très bien il est aussi sincèrement fait que possible », écrit Gabrielle Hébert à Jules Bernard, conservateur du musée[1]. Ce pastel présente de troublantes analogies avec un dessin signé de la main de Gabrielle et réalisé le même jour, lors de la même séance de pose[2]. L’attitude de la jeune femme est identique – port de tête gracieux et yeux mi-clos –, même si l’angle de vue change quelque peu, Mme Hébert se trouvant en face du modèle. On peut donc imaginer que cette élégante jeune femme est une amie du couple Hébert et que les deux pastels ont été réalisés à La Tronche, sous la direction du maître. Hébert procède ainsi fréquemment avec ses protégés, corrigeant peut-être leurs œuvres au fur et à mesure. Mais la comparaison des deux œuvres ne flatte guère Gabrielle et met en lumière la maîtrise technique de Félix pastelliste. « Le talent sérieux de dessinateur » que reconnaît Hébert à son élève est ici pleinement justifié[3]. La délicatesse du traitement sert à merveille le raffinement du modèle. Le fond bleu éthéré sur lequel se détache cette fine silhouette rappelle l’influence hébertienne. La moue boudeuse et l’air pensif renvoient aux modèles victoriens de ces femmes aux cous de cygnes. La finesse du cou est ainsi soulignée par le collier de perles de jais à deux rangs, pierres très prisées de la bourgeoisie de l’époque et dont Félix, avec plus de bonheur que Gabrielle Hébert, a su rendre la matière lisse et brillante. « Cette œuvre d’art […] représente dignement le talent de notre compatriote : elle est, en effet, remarquable par l’harmonie du coloris, la délicatesse du modelé et la grande distinction de la pose et de l’expression », reconnaît Jules Bernard, lors de l’entrée de l’œuvre au musée[4].
[1] Original de la lettre conservé à la documentation du musée de Grenoble.
[2] Gabrielle Hébert, Portrait de femme aux yeux baissés, pastel, 1901, Grenoble, musée Hébert, M.N.162/33.
[3] Lettre d’Ernest Hébert à Auguste Félix du 26 novembre 1895, citée dans Bernin, 2009, p. 8.
[4] Archives municipales de Grenoble, R2 47.
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