Rue Saint-Antoine, Paris
40 x 57 cm (hors marge)
Centre national des arts plastiques
Dépôt au Musée de Grenoble en 2006
Exposition En Roue libre, 1er avril-3 juillet 2022
Salle 10
Urbain trop urbain
La modernité a vu l’éclosion des métropoles occidentales et l’ère des gratte-ciels. Avec leurs visions cacophoniques et éclatées, les expressionnistes, les futuristes puis les surréalistes ont montré leur fascination pour l’effervescence, le dynamisme et le mystère de la ville, cet univers en perpétuelle métamorphose.
Après-guerre, habitats collectifs, périphéries bétonnées, autoroutes, ponts métalliques, rames de métro sont devenus le lot commun des habitants des grandes villes. Pierre Restany le père du Nouveau Réalisme au début des années 1960 évoquait d’ailleurs la «nature du XXe siècle, technologique, industrielle, publicitaire [et] urbaine.»
De nos jours, la ville continue d’inspirer les artistes, éternels arpenteurs des mégalopoles mais leur enthousiasme à son égard s’est apparemment tari. Trains, métros, rues, halls de gare, salles d’attente sont certes encore et toujours les lieux du collectif inspirants mais ce sont aussi ceux de l’anonymat, de l’incommunicabilité. L’expérience de la grande ville, le quotidien de nombreux habitants de la planète se colorent ainsi parfois d’une sourde mélancolie. La ville demeure néanmoins un espace favorable à toutes sortes de rencontres, de fictions. Se fait jour un nouvel imaginaire urbain, offrant la possibilité de rêver de nouvelles fables.
Peintre de l’urbanité bétonnée et métallique, Peter Klasen explore les abîmes et les vertiges de la société déshumanisée. À travers ses peintures réalisées à l’aérographe et au rendu photographique, l’artiste exorcise sa solitude. Il nous révèle la face cachée de notre monde industriel, ces lieux en marge de nos villes (souterrains, décharges, autoroutes etc) qui exercent sur lui une étrange fascination au point de devenir de singulières allégories abstraites.
Halls d’immeubles, passerelles d’aéroport, entrepôts, supermarchés, barres d’habitat collectif, on est frappé par ce que d’aucuns ont appelé les «urbanographies» de Philippe Cognée. Privilégiant le noir et blanc, l’artiste s’est d’abord inspiré de son environnement immédiat, la banlieue de Nantes où il vit. Il a aussi arpenté d’autres villes au Maroc, aux États-Unis, en Égypte, curieux de ces zones intermédiaires. Pour lui, c’est dans les paysages tristes et désertés des périphéries urbaines que tout se joue. Par la beauté vibrante de sa peinture à la cire, l’artiste sauve ces No man’s land urbains de leur affreuse banalité.
Comme autrefois ceux de la Neue Sachlichkeit, les photographes de l’École de Düsseldorf comme Thomas Struth brossent un portrait de la ville moderne gagnée par l’uniformisation et l’anonymat. Les photographies en forme d’enquêtes urbaines de Thomas Struth offrent une syntaxe de la ville impersonnelle, une vision nette, graphique et abstraite. C’est le règne de la rue, du béton et de l’asphalte. Mais derrière leur apparente insignifiance, ces villes inconsciemment reflètent l’Histoire en marche.
Replié sur lui-même, l’habitant des villes est parfois plongé dans sa rêverie solitaire. Avec sa population nombreuse et cosmopolite, ses lumières, New York continue d’être un mythe en acte. Dans cette station de métro désertée donnant à voir le monde souterrain qui serpente sur l’île de Manhattan, Laurent Montaron nous plonge dans l’esprit de l’un de ses habitants. L’image de la ville, c’est aussi celle des multiples moments vécus pour soi, en soi dans la foule et l’agitation. Si les espaces collectifs sont en passe de perdre leur fonction d’échanges, demeurent ces instants poétiques où l’anonymat se teinte d’une douce mélancolie incarné ici par cette jeune fille fredonnant la mélodie de Candy says du Velvet Underground.
[Extrait du Journal de l’exposition En roue libre. Balade à travers la collection d'art contemporain du musée, musée de Grenoble, 1er avril-3 juillet 2022]
Découvrez également...
-
Femme nue
1939 -
Eau dormante
1938 -
Tête de femme
1947