Masque plastron de femme

Egypte, Antinoé
fin IIe siècle - IIIe siècle
29,5 x 26,8 x 59 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don de Léon de Beylié en 1900

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Plâtre peint
29 x 56 cm
MG 1284
Don de Léon de Beylié en 1900
MG 1284

Plâtre peint
23 x 18 cm
MG 1285
Don de Léon de Beylié en 1900
MG 1285

Les masques funéraires proviennent vraisemblablement des fouilles du Français Albert Gayet (1856-1916) dans les nécropoles d’Antinoé (Antinoopolis), sur la rive droite du Nil en Moyenne-Égypte. La grande métropole égyptienne est une fondation d’époque romaine, sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138), baptisée en l’honneur de son favori Antinoüs après son décès accidentel en 130 de notre ère. Ces deux pièces auraient été exhumées au cours des premières campagnes de l’archéologue sur le site (soit entre 1896 et 1899), subventionnées tour à tour par une brève société privée patronnée par l’orientaliste Émile Guimet (1836-1918), la chambre de commerce de Lyon et la Société française du Palais du costume (société anonyme composée d’actionnaires).
Quoique leur provenance ne soit pas entièrement éclaircie, les circonstances de leur acquisition sont maintenant connues, grâce à des pièces d’archives. Ils ont été acquis simultanément à Paris par le colonel de Beylié auprès de l’antiquaire Paul Philip (actif entre 1892 et 1905), lors de l’Exposition universelle de l’été 1900, contre les sommes respectives de 300 et 200 francs selon le reçu conservé et daté du 7 août 1900. Léon de Beylié mentionne d’ailleurs immédiatement son achat dans une première lettre adressée le jour même ou le lendemain au conservateur du musée de Grenoble, Jules Bernard (1849-1917), puis dans une seconde, du 9 août 1900. Toujours dans une note adressée au conservateur, L. de Beylié donne l’origine de ses acquisitions, probablement d’après les indications communiquées oralement par le vendeur. Ce dernier, P. Philip, était un marchand d’art installé au Caire, « fournisseur des musées d’Europe en antiquités égyptiennes et gréco-romaines » et dont la propre collection sera elle-même dispersée en vente publique à l’Hôtel Drouot quelques années plus tard, les 10, 11 et 12 avril 1905.
Le don au musée de Grenoble est effectué très tôt, dès le 10 août 1900, selon la mention portée sur l’inventaire où les masques sont dès lors enregistrés. Les auteurs du catalogue de la collection égyptienne de Grenoble, publié en 1979, ne les avaient pas alors repérés dans l’inventaire existant ; c’est la raison pour laquelle ils figurent sous de nouveaux numéros d’inventaire (respectivement MG 3627 et MG 3628), tout en étant notés de manière erronée comme « don de la Société française de fouilles archéologiques, 1907 ».
D’autres sites égyptiens ont livré des pièces semblables, à une époque à peu près contemporaine de celle des fouilles d’Antinoé (1895-1914) d’où sont effectivement issus de nombreux spécimens : Balansourah et Touna al-Gebel situés dans la même région de Moyenne-Égypte, mais sur la rive opposée, ainsi que l’oasis de Kharga. Touna al-Gebel semble avoir été le grand centre de fabrication des masques plastrons en plâtre.
Exceptionnellement conservés et de belle facture, nos deux masques témoignent des pratiques funéraires alors en usage, mélange de religion égyptienne et de culture gréco-romaine. Simplement posés sur le corps, ils étaient maintenus en place par des bandelettes et constituent une vision abrégée du cercueil, leur plastique reproduisant les traits idéalisés du défunt. Ils entrent dans une typologie attribuée au IIIe siècle, caractérisée par l’angle droit formé par la tête et le buste, la tête fortement levée manifestant l’éveil du défunt en Osiris. À partir d’une matière première commune, le gypse, ils ont été moulés en plusieurs parties, la chevelure étant réalisée à part puis plaquée sur le crâne, ainsi que les ornements. La polychromie est ensuite appliquée, permettant d’individualiser le masque qui pouvait être fabriqué en série. Enchâssé, l’œil est ici formé par une pâte noire et blanche, sorte d’émail à l’aspect vitreux donnant vie au regard.
Le premier masque, le mieux conservé, est à peu près intact et garde encore une étonnante polychromie, notamment pour le manteau et les chairs, d’une couleur rosée ; les yeux sont incrustés. Il permet, par de nombreux détails, de se faire une idée du luxe du costume de la défunte : elle est revêtue d’une tunique bleu clair à bandes verticales descendant sur la poitrine (les clavi) de couleur sombre ; le manteau jeté sur les épaules apparaît d’une teinte soutenue, bleu-vert sombre. La femme porte en outre de nombreuses parures en relief et peintes : des boucles d’oreilles (dorées à l’origine), un collier à double rang en sautoir (perles vertes sur tige d’or), un bracelet torsadé au poignet droit (celui du poignet gauche s’est arraché) et trois bagues (simple anneau à l’annulaire de la main droite et bagues à chatons à la gauche). La masse des cheveux, partagée sur le devant par une raie médiane, est coiffée en bandeaux ondulés sur huit rangs et se termine sur la nuque par un large chignon enroulé.
Sous la poitrine, sa main gauche est posée à plat tandis que la droite enserre la guirlande de fleurs formant une large boucle entre les seins menus ; elle évoque le signe ânkh, croix de vie qui est l’attribut du justifié d’Osiris, c’est-à-dire du défunt qui s’apprête à renaître dans l’au-delà selon l’antique tradition égyptienne.
Le second masque, incomplet, est d’un aspect très sobre quoique raffiné ; il conserve encore, notamment sur les boucles d’oreilles à deux perles, quelques traces de dorure, qui était appliquée à la feuille d’or. Les yeux sont incrustés et sertis comme pour le précédent, mais cette fois le fond du portrait est blanc avec les cheveux et sourcils peints en noir. La femme porte sa chevelure, divisée à l’avant en deux bandeaux tressés qui couvrent le haut du front et des oreilles, et enroulée à l’arrière en un chignon très plat. Par chance, nous connaissons l’identité de la jeune femme, grâce à une inscription figurant à l’arrière de la tête, sur l’encolure du manteau encore présent. Il s’agit d’une élégante inscription hiéroglyphique, elle aussi peinte en noir, que nous restitue une seule ligne constituant le début d’un petit texte : « Paroles prononcées par l’Osiris Tanekhatis, justifiée […] », selon un formulaire conforme aux croyances encore païennes. À l’époque romaine, toute l’efficacité magique du rituel funéraire se concentre sur la préservation du nom, composante essentielle et vivante de l’individu : être oublié signifie sombrer à jamais dans le néant. Aussi le nom est-il soigneusement écrit et répété sur le matériel accompagnant le défunt : bandelettes, étiquette de momie, portrait peint, stèle, etc.

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