Soldats et porte-drapeau avant l'assaut (épisode de La Bataille de Solferino)

Frédéric Adolphe YVON
1861
37,3 x 26,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de Léon de Beylié en 1900

Voir sur navigart

Si le voyage en Crimée de 1856, destiné à préparer la réalisation du tableau de La Prise de la tour de Malakoff , relève d’une initiative de l’artiste – décidé à convaincre l’Empereur de lui confier cette commande –, il n’en est pas de même de son déplacement à Solferino, en Italie, juste après la bataille victorieuse de Napoléon III. Il est cette fois-ci en mission officielle et stationne à Milan, prêt à rejoindre les armées « à la nouvelle d’une première victoire », comme il le raconte dans ses Souvenirs[1]. L’enthousiasme des premières années de sa carrière de peintre militaire fait place chez Adolphe Yvon à une certaine amertume lorsqu’il se rend sur les lieux : « Le champ de bataille a ses excitations qui dominent, en grande partie, le côté douloureux de pareils spectacles. Quand on s’éloigne du lieu même de la scène et qu’on pénètre dans les coulisses de ces grands drames, on a le cœur serré à la vue des misères qu’elles nous dévoilent[2]. ». Pourtant, de cet aspect peu glorieux de la campagne militaire, La Bataille de Solferino ne porte guère la marque. La présence de l’Empereur au centre de la toile, les exigences des généraux et officiers ayant participé à l’action et qui défilent ensuite dans son atelier à Paris en grand uniforme d’apparat, vont conduire Yvon à mettre l’accent sur l’état-major au détriment des hommes de troupe, sur le calme après la victoire plutôt que sur la fureur des combats. « La bataille de Solferino n’exprime-t-elle pas avec plus de soin que de passion, avec une réserve bien voisine de la froideur, les caractères extérieurs de cette glorieuse affaire et les portraits au repos de qui en ont décidé le succès ? », s’interroge Henri Delaborde dans la Revue des Deux Mondes lors de la présentation du tableau au Salon de 1861[3]. L’action militaire, si on exclue les combats que l’on devine dans le fond, se résume à l’assaut du régiment des voltigeurs de la garde impériale (la brigade Manèque) qui occupe le premier plan. La feuille du musée de Grenoble prépare le groupe qui, à gauche de la composition, gravit la colline au pas de course dans le sillage du général Camou qui leur en donne l’ordre depuis son cheval. Comme dans la feuille précédente , l’artiste use ici d’une combinaison de lavis d’encre brune, d’aquarelle et de gouache. Il concentre son regard sur le dos des soldats, avec leur schako surmonté d’un pompon doré et leur havresac, à l’exception du porte-drapeau qui fait face au spectateur. Son visage est moins un portrait qu’une figure à peine caractérisée. Le plan de la bataille avec le nom de protagonistes qui accompagne la présentation de la peinture au Salon nous informe qu’il s’agit ici du commandant de Fonvert, mais sa physionomie est bien différente dans la peinture, signe que l’artiste a fait poser le modèle après cette gouache. Les autres voltigeurs restent anonymes et ne sont là que pour créer un effet de masse d’où s’échappe une forêt de baïonnettes. L’artiste modifie considérablement la composition dans le tableau final : il réduit le nombre des soldats et modifie la disposition des paquetages qui occupent le premier plan. Le parti pris de l’artiste pour ce groupe ne sera guère apprécié des critiques. Maxime du Camp s’indigne que l’on mette « directement sous l’œil du spectateur des marmites en fer-blanc, des pains de munitions »[4]. Théophile Gautier, de son côté, n’aime guère ces soldats coupés à mi-corps par le cadre et qui garnissent le bas de la toile. « Cela produit un effet de shakos et de sacs qui ne nous semble pas très heureux[5]. »


[1] Adolphe Yvon, « Souvenirs », in Henry Jouin, op. cit., p. 43.
[2] Ibid., p. 44.
[3] Henri Delaborde, « Le Salon de 1861 », Revue des Deux Mondes, t. 33, Paris, 1861, p. 874.
[4] Maxime Du Camp, Le Salon de 1861, Paris, 1861, p. 12.
[5] Théophile Gautier, Abécédaire du Salon de 1861, Paris, 1861, p. 383.

Découvrez également...