Lavoir au bord d'un ruisseau. Soleil couchant

Originaire de Lyon, Auguste Ravier s’initie à la peinture en plein air dans la forêt de Fontainebleau, avant de voyager en Italie sur le conseil de Corot. C’est à l’aquarelle qu’il s‘efforce de traduire la beauté de Rome et des paysages du Latium, baignés d’une lumière crue. Voyageant beaucoup, il se fixe pourtant dans les années 1850 à Crémieu, dans le nord de l’Isère. Il est désormais en possession d’un talent sûr qui lui permet, à la peinture à l’huile comme à l’aquarelle, de tirer le meilleur parti des paysages environnants. C’est là que Camille Corot (MG 890 ; MG 1371 ) et Charles Daubigny lui rendent visite en 1852, de même qu’ Adolphe Appian . À partir de 1867, Ravier se fixe à Morestel, toujours dans le Nord-Isère. « Partout les étangs et les cours d’eau abondent : ils sont nus, couverts de végétation ou entourés d’arbres. Tout près sont les mélancoliques terrains de Thuille, au-dessus d’une rivière et d’un étang bordés de rochers aux formes bizarres d’une coloration vibrante[1]». Inlassablement, l’artiste répète les mêmes motifs : étang de la Levaz, cerné d’arbres grêles, presque squelettiques, toits de Morestel, paysages liquides où les cieux immenses se mirent dans les profondeurs des eaux. Ravier affectionne les crépuscules et les couchers de soleil, les matins de brume qui noient les contours et les jours de pluie qui lavent les couleurs. Le lavoir public, construit à proximité de la propriété de l’artiste, lui offre un motif qu’il répète à l’envie dans toutes les techniques. À l’huile, ses couleurs sont crues, sa pâte est épaisse, maçonnée grossièrement au couteau. À l’aquarelle, comme l’écrit Henri Focillon, « même solidité, même harmonie, avec une mouillure qui fait le papier spongieux, des passages de tons les uns dans les autres, des grattés, des rehauts de gouache, tout un travail qui est aussi loin que possible de la cuisine pittoresque et qui est toujours subordonné à l’unité d’un effet[2]». Dans ce dessin, mêlant fusain, aquarelle et gouache, Ravier baigne l’architecture du mur et du lavoir dans une même brume colorée. Ses arbres ne sont que des fantômes de végétation, des impressions lointaines. Son soleil n’est qu’une touche claire, intense, qui parvient à irradier l’atmosphère et gagner quelques étincelles de lumière sur l’obscurité du ciel et l’ombre des feuillages. « Si l’on cherche trop la couleur, on risque de devenir lourd ou sombre, et si l’on tombe dans la peinture claire, la coloration devient facilement fausse ou faible », confie l’artiste[3]. Cette leçon de la couleur, ses amis parisiens, comme Louis Français, lyonnais comme Appian ou dauphinois comme Jean Achard , Henri Blanc-Fontaine ou Laurent Guétal, viendront la chercher à Crémieu puis à Morestel auprès du maître. À force de scruter la nature à la recherche de la tonalité juste, Ravier perdra progressivement la vue et finira aveugle.
[1] Félix Thiollier, Auguste Ravier, peintre, M DCC XIV- M DCCC XCV, Saint-Etienne, 1899, p. 30. Félix Thiollier est le mécène presque exclusif du peintre et l’auteur de la seule biographie de l’artiste.
[2] Focillon, 1927 (rééd. 1991), p.109.
[3] Propos de Ravier rapportés para Félix Thiollier, op. cit., p.32.
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