Les Fréaux près de La Grave, Hautes-Alpes
Fort du succès de sa Vallée du Vénéon à Saint-
Christophe-en-Oisans en 1894, Charles Bertier
continue d’envoyer au Salon de Paris ses
plus impressionnants tableaux de paysages
alpestres. Il profite ainsi de l’engouement
de l’époque pour les peintures régionalistes
qui peuplent les cimaises de la manifestation
parisienne. Les citadins aiment contempler
les plus beaux paysages de France, dont
les peintres provinciaux se font les chantres
(comme on les nomme dans la presse de
l’époque) dans de multiples campagnes françaises.
La montagne a quant à elle un effet
particulièrement spectaculaire sur le public
parisien qui la voit encore à cette époque
comme une grande inconnue mystérieuse et
exotique. Le tourisme dans les Alpes n’en est
qu’à ses prémices, les refuges du Club alpin
français apparaissent dans les années 1880
et il faut attendre le début du XXe siècle pour
que les touristes commencent à affluer en
nombre, principalement à Chamonix ou à La
Grave, deux sites permettant la contemplation
de glaciers magistraux.
Dans ce tableau, le Grenoblois propose un
paysage toujours aussi savamment composé
à partir des éléments typiques que sont les
roches, la rivière et les sommets environnants.
L’organisation très géométrique se
fait comme souvent dans sa peinture autour
de lignes de fuite extrêmement fortes et
présentes, convergeant dans un effet de
perspective vers le centre de la scène. Bertier
fait ici le choix de représenter la vie humaine
au coeur de la montagne en évoquant les
habitations de ce hameau des Fréaux, au
pied de La Meije. Il offre à la Romanche le
rôle principal de cette scène en la plaçant
au premier plan. Les maisons qui jouxtent le
tumulte du torrent semblent remplir de vie
cette vallée. Nous sommes probablement au
début de l’été, la nature est verdoyante, les
champs viennent d’être fanés et le soleil est
à son zénith. Bertier n’aurait pas pu trouver
moment plus chaud pour représenter cette
vallée encaissée, réputée pour son climat
rigoureux. Le désordre bruyant apporté par
ce torrent qui file à grande vitesse rend ce
paysage incroyablement réaliste. Habité, il
apparaît beaucoup plus hospitalier que ceux,
vierges et sauvages de l’Oisans habituellement
préférés par l’artiste à cette époque.
Dans les années 1890, le peintre sillonne ce
massif comme son maître Guétal l’avait fait
avant lui. Dans sa jeunesse, Bertier préférait
les environs de Grenoble et les massifs ou les
coteaux plus accessibles depuis la ville tels
que la Chartreuse, Sassenage ou Corenc. Le
succès de ces paysages des Alpes explique le
travail sériel de Bertier au début du XXe siècle.
Il existe d’autres versions de cette vue des
Fréaux en Oisans tout comme il existe un très
grand nombre de vues du glacier de La Meije
peintes par l’artiste.
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