Neige au Breuil
Victor Charreton est un talentueux représentant
de la nouvelle génération d’artistes
formés à Grenoble, dans la seconde moitié
du XIXe siècle, au contact de Laurent Guétal
(1841-1892) et de Tancrède Bastet (1858-
1942). Né à Bourgoin en 1864, il séjourne
à Grenoble pendant plusieurs années pour
faire son droit sous la pression de son père,
puis exercer comme clerc d’avoué. Il s’installe
à Lyon en 1892 mais, dix ans plus tard,
il choisit définitivement la carrière artistique
et se partage alors entre Paris et l’Auvergne
tout en continuant à voyager. Il découvre le
Puy-de-Dôme par son mariage avec Elmy
Chatin en 1893 et dit « n’avoir rencontré
qu’en Auvergne, et de par la nature ignée
de son terrain, des tonalités aussi riches[1] ».
Cette région lui confirme la voie de la couleur
et du paysage et il exprime rapidement dans
ses oeuvres une éclatante volupté picturale[2].
Pour saisir la richesse chromatique de ce territoire
volcanique, il peint sur le motif, même au
coeur de l’hiver : « J’ai commencé une grande
toile, la plus grande. Mais le vent, la neige qui
fond, les mille difficultés pour une grande
tartine surgissent et c’est pénible. J’ai failli
crever la toile ce matin par un coup de vent
survenu brusquement[3]. » Pour Neige au Breuil,
Victor Charreton a choisi un carton comme
support pour faciliter le travail en extérieur
et pose au couteau une pâte généreuse
pour noter rapidement les fluctuations de la
lumière. Ses oeuvres hivernales s’organisent
autour d’une gamme de roses, de mauves,
de bleus et de bruns. Quand il évoque le mois
de janvier à Murol, c’est un enchantement
visuel : « Tout est fleuri, les ruisseaux sont
muets. Point de souillures, point de bruits,
les buissons ont des aubépines, les branches
des colliers, les fontaines des perles[4]. » C’est
ainsi qu’il voit le jeu du soleil et de la lumière
sur les cristallisations du givre, comme des
arbres fleuris au printemps.
À cette époque, Victor Charreton séjourne
régulièrement à Murol, non loin du Breuil.
C’est autour de lui et de l’abbé Boudal, curé
de Murol, que va se développer un étonnant
foyer artistique vite qualifié de « centre
pictural auvergnat » ou « d’école de Murol ».
Des artistes de tous horizons se retrouvent
pour peindre et Charreton apparaît rapidement
comme le maître à penser du groupe.
Lors de l’achat de cette oeuvre par la Société
des amis des arts de Grenoble, il est médaille
d’or du Salon de Lyon (1904), médaille d’or du
Salon des artistes français (1913) et chevalier
de la Légion d’honneur au titre de peintre
(1914). Il a alors paru évident que cet artiste
devait enfin figurer dans les collections du
musée de Grenoble[5].
[1] Lettre à Elmy Charreton, 25 janvier 1913, dans Joseph Barrière, Le Peintre Victor Charreton, Clermont-Ferrand, Imprimerie générale, 1937.
[2] Valérie Huss, Victor Charreton, paysages d’Auvergne, Vienne, Vienne Imprim’, 1988.
[3] Coll. part., lettre à Elmy Charreton, 13 décembre 1912.
[4] Coll. part., lettre à William Didier-Pouget, Murols, 17 janvier 1917.
[5] Valérie Huss, Brigitte Riboreau, Vincent Pomarède, Victor Charreton : itinéraire d’un peintre voyageur, cat. exp. Bourgoin-Jallieu, musée de Bourgoin-Jallieu, 24 mai-30 novembre 2003, Dijon, Les Presses du réel, 2003.
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