La Vénus de la Pogne

Henri Ding réalise ce groupe sculpté pour marquer la naissance de la Société de la Pogne créée à Grenoble vers 1882 par un groupe d’artistes qui compte les peintres Charles Bertier, Alexandre Debelle et Jacques Gay. Les statuts nous indiquent que « l’affiliation à la Pogne se fera de droit dans les catégories suivantes : peintres, sculpteurs, architectes, musiciens et hommes de lettres^[1] ». Le nombre d’adhérents est fixé à trente et en cas de manque de candidats, une personnalité ayant « un caractère ou des affinités artistiques » pourra être acceptée. Les membres (les « Pognons ») se réunissent au minimum le premier lundi de chaque mois pour un dîner auquel s’ajoute un dîner trimestriel où peuvent être conviés des artistes étrangers au groupe. Un membre qui n’a plus sa résidence à Grenoble devient membre honoraire. Il s’agit donc d’une forme de sociabilité organisée et circonscrite à un périmètre géographique qui permet aux artistes et amateurs grenoblois de maintenir des liens très réguliers et un esprit de solidarité par des rencontres joyeuses, rythmées par des chansons, des mets et des boissons en abondance. Comme l’indique leur hymne, « Ici chaque artiste est un frère ».
Henri Ding imagine un sujet charmant et joyeux : une jeune femme porte un pichet et une pogne (brioche parfumée régionale) sur un grand plateau, tandis qu’un jeune homme (un artiste ?) lui chuchote à l’oreille. Plusieurs objets disposés sur le sol évoquent les arts et la littérature (un buste, un chapiteau corinthien, des livres, un cor) ; d’autres la convivialité (le tonneau aux armes de Grenoble, « d’or aux trois roses de gueules », le pichet et la brioche).
Le modèle en plâtre est attesté par une photographie^[2]. Le tirage en bronze a sans doute été limité à quelques exemplaires commandés par souscription. Daté de 1882, il est présenté au Salon des amis des arts de Grenoble l’année suivante.

^[1] BMG, fonds dauphinois, U.8448.
^[2] BMG, fonds dauphinois, Hd.335.