Gratianopolis
En décembre 1895, Jules Biron, ingénieur,
industriel du ciment et grand amateur d’art,
offre de céder à la Ville deux sculptures en
marbre d’Henri Ding, Gratianopolis (1884) et
Stella montis ou Muse de Berlioz (1890) au prix
de 9 000 francs. La commission consultative
du musée estime alors que les deux oeuvres
« constituent des objets d’art d’une incontestable
valeur artistique, que ce sont là des
oeuvres d’une conception et d’une exécution
d’ordre supérieur[1] ». La Société des amis des
arts propose de participer à leur achat pour
un montant de 2 000 francs. Henri Ding, déjà
représenté au musée par Ecce homo (1878)
(MG 714) et par la maquette d’un monument non
réalisé aux défenseurs de la patrie (1880), se
réjouit alors que ces deux oeuvres, qui sont des
jalons importants dans sa production, entrent
dans les collections du musée de sa ville natale.
Ding expose le plâtre de Gratianopolis au Salon
de Grenoble en 1883 et finalise le marbre
l’année suivante pour son commanditaire Jules
Biron. Cette pièce d’une rare qualité esthétique
et d’une grande complexité technique
évoque une allégorie de la Ville de Grenoble,
autrefois appelée Gratianopolis en hommage
à l’empereur Gratien. La nation est généralement
incarnée, depuis le régime républicain,
par une figure féminine idéalisée, comme c’est
souvent le cas également pour la personnification
d’une ville. Ding choisit de sculpter une
belle jeune femme à l’allure conquérante, au
regard profond, aux lèvres serrées, entourée de
multiples attributs symboliques. Son casque
ailé, surmonté par un coq bicéphale, animal
fier et intrépide qui combat jusqu’à la mort,
est orné des armoiries de la ville (d’or aux trois
roses de gueules). Les deux pans de son vêtement
recouverts d’écailles sont retenus par
un motif de gorgone, tandis que des serpents
décorent l’encolure de son vêtement[2]. Henri
Ding associe des modèles iconographiques
mythologiques et pseudo historiques pour
nous proposer une allégorie très convaincante.
Ce buste a des affinités troublantes avec le
haut-relief en bronze Gallia (1873) d’Émile
Soldi, présenté au musée du Luxembourg à
partir de 1874. On y retrouve le même port
de tête de la femme à la longue chevelure ondulée, le casque ailé, le coq et les serpents.
Mais il est difficile de dire aujourd’hui s’il a
pu s’en inspirer.
L’oeuvre, aujourd’hui lacunaire, nous est
cependant connue dans son intégrité par
d’anciennes photographies.
[1] AMG, R 2 40, lettre de la commission consultative du musée à Félix Poulat, maire de Grenoble, 24 décembre 1895.
[2] En raison de son piédouche mal dimensionné qui a provoqué la chute du buste au début du XXe siècle, l’oeuvre est aujourd’hui lacunaire.
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