La Romanche à Livet

Cette oeuvre est une étude pour Bords de la
Romanche à Livet, temps orageux, exposée au
Salon de la Société des artistes français en
1895 et acquise par l’État. Elle est composée,
comme Hareux le préconise dans son livre
Cours complet de peinture à l’huile, avec deux
fortes diagonales qui se croisent presque au
centre du tableau. À gauche et à droite, les
flancs montagneux semblent plonger dans la
rivière. Au centre, le spectateur peut pénétrer
de plain-pied dans les eaux tumultueuses de la
Romanche. À l’arrière-plan, les hauts massifs
de Belledonne se perdent dans une perspective
atmosphérique aux subtils dégradés de
tons froids atténuant leurs contours et leurs
couleurs. À l’avant du tableau, la masse des
rochers bruns s’oppose au remous des eaux
tourbillonnantes et chargées d’écume. L’aspect
minéral de cette composition est accentué par
les tonalités grises du ciel qui reprennent en
écho celles de la rivière. La scène est éclairée
par un faible soleil dont les rayons dardent
les nuées. Dans ses écrits, le peintre précise
son affection pour les temps qui provoquent
des effets de ciel surprenants et donne de
précieux conseils aux peintres amateurs :
« Le temps orageux est, pour le paysagiste, une
source inépuisable de sujets de tableaux. Les
effets du ciel se multipliant avec la rapidité et
la variété d’un kaléidoscope, on ne se lasse pas
d’observer et de peindre […]. Ce qui diffère,
c’est la manière de peindre pour obtenir les
rayons transparents qui sont projetés par le
soleil passant dans les trouées des nuages.
Pour obtenir ces rayons, qu’on nomme des
gloires et qu’en sculpture on emploie pour la
décoration des monuments religieux, voici
comment procédera le peintre[1]. »
Hareux deviendra co-fondateur de la Société
des peintres de montagne en 1898 et, au
moment où la photographie concurrence la
peinture, il se démarque comme étant un
spécialiste des effets atmosphériques et
des nocturnes. Il prendra souvent la route le
long de la Romanche, notamment à la fin de
sa carrière, pour peindre des paysages alpins
éclatants de tons chauds et irradiés d’un
ciel d’azur, comme dans ses aquarelles illustrant
l’ouvrage de son ami Daniel Baud-Bovy,
La Meije et les Écrins (1907). Si les critiques
locaux n’ont pas toujours été tendres avec cet
artiste, coutumier des honneurs parisiens,
il saura cependant se faire adopter par les
élites grenobloises en devenant membre de
l’Académie delphinale.
Après Le Chemin du petit séminaire, c’est la
seconde oeuvre d’Ernest Hareux à entrer dans
les collections du musée du vivant de l’artiste.
[1] Ernest Hareux, Cours complets de peinture à l’huile – Paysages, Paris, éditions Laurens, s. d., p. 24.
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