Portrait de M. Debelle, ancien conservateur du Musée de Grenoble
Typographe de formation, Jacques Gay s’intéresse à la peinture qu’il étudie d’abord auprès de Firmin Gautier à Grenoble. À la mort de ce dernier en 1877, il rejoint l’atelier de Jean-Léon Gérôme (1824-1904) à Paris afin de perfectionner son apprentissage et s’inscrit à l’École des beaux-arts. Avant d’être connu pour ses paysages et ses scènes de genre, il expose pour la première fois au Salon officiel en 1881 et peint la même année le portrait d’Alexandre Debelle. Outre le clin d’oeil fait à son compatriote natif de Voreppe, Gay rend hommage à l’homme qui a contribué à l’essor de la vie artistique iséroise, à la faveur de sa production picturale d’une part, et d’autre part, au travers de sa fonction de conservateur du musée de Grenoble qu’il occupait depuis vingt-huit ans[1]. À la fois réaliste et sensible, ce portrait en buste saisit le spectateur par sa sobriété et son intensité. Campé sur un fond clair exécuté à la brosse, le sujet s’en détache dans un costume sombre et élégant tandis que la légère torsion du corps qui lui est imposé renforce la position frontale de son visage. Debelle, âgé de soixante-seize ans au moment de la réalisation du tableau, arbore naturellement quelques rides ainsi qu’une barbe et des cheveux grisonnants. Cependant, la force de son regard atteste de ses convictions et de sa volonté inébranlable. Debelle est alors à l’apogée de sa carrière. Depuis 1853, date de sa nomination au musée, le conservateur mène une politique d’acquisition dynamique[2]. Il encourage les envois de l’État, les dons et en fait lui-même au musée en tant que peintre d’histoire, de portraits et de paysages. Il met à jour les inventaires et publie plusieurs catalogues des collections entre 1856 et 1884. Préoccupé par le devenir de l’institution, établie depuis des décennies dans les locaux vétustes de la chapelle du Lycée impérial[3], Debelle s’engage aussi pour la création d’un nouveau musée. Les travaux débutent en 1865 et le musée-bibliothèque accueille ses premières oeuvres en 1870. Debelle poursuit alors avec succès sa fonction de conservateur. L’insigne de la Légion d’honneur, qu’il avait reçue en 1868, justifie la considération qui lui revenait. Soit une reconnaissance artistique et institutionnelle que Gay exprime avec dignité dans ce portrait psychologique qu’il offre au musée de Grenoble en 1891, quatre ans après la mort du conservateur.
[1] Alexandre Debelle est conservateur du musée de Grenoble de 1853 à 1887.
[2] Pendant la direction d’Alexandre Debelle, le musée acquiert notamment Souvenir de La Grave d’Henri Blanc-Fontaine, Le Verger de Proveyzieux de Théodore Ravanat, Ecce Homo d’Henri Ding et Roger délivrant Angélique d’Eugène Delacroix.
[3] Actuel lycée Stendhal.
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