Naissance de Benjamin et mort de Rachel

Fonds national d'art contemporain
Dépôt au Musée de Grenoble en 1842
Jacques Pilliard naît à Vienne en 1811 dans
une modeste famille de drapiers. Son goût
pour la peinture lui vient au contact de son
cousin Jean-Claude Drivet (1804-1848) qui
est l’auteur de plusieurs copies d’oeuvres pour
la cathédrale Saint-Maurice. Il commence sa
formation à l’école de dessin de la ville puis
il est admis, en 1830, à l’école des beaux-arts
de Lyon qui est en train de devenir, sous la
direction de Claude Bonnefond (1796-1860),
un établissement de premier rang (dix-sept
grand prix de Rome entre 1831 et 1860).
Pilliard obtient vite le poste envié de dessinateur
au Jardin botanique de Lyon et peut
ainsi subvenir à ses besoins. Comme beaucoup
d’élèves de Bonnefond, il continue sa
formation à Paris auprès de celui qui voulait
« baptiser l’art grec », Victor Orsel (1795-1850),
qui lui enseigne la rigueur et l’ascétisme de
son idéal religieux proche des Nazaréens.
Puis il succombe à l’appel de l’Italie à la fin
de l’année 1837. Pendant deux années, il va
arpenter la péninsule italienne en compagnie
de son fidèle ami, le peintre Alphonse Girodon
de Pralong (1812-1898). Il se fixe ensuite à
Rome où il bénéficie des précieux conseils
d’Ingres, alors directeur de la Villa Médicis.
Il développe un profond attachement pour la
Ville éternelle qui lui permet de nourrir sa foi
ardente et son art au contact des oeuvres des
maîtres anciens comme Raphaël et Michel-
Ange. À quatre-vingts ans, et après cinquante
années passées en Italie, il revient dans sa ville
natale où il décède en 1898.
Peintre académique, Pilliard a exécuté des
portraits et des scènes de genre, mais il
est surtout réputé pour ses sujets religieux.
Naissance de Benjamin et mort de Rachel
(Genèse 35. 16-29), daté de 1841, est son second
envoi au Salon de Paris en provenance de Rome.
Dans cette scène de déploration, Rachel, qui
vient de mourir en mettant au monde son
enfant est étendue sur une peau de brebis. Des
femmes s’occupent de son nouveau-né tout en
pleurant la jeune femme. À droite, Jacob, son
époux, le visage dans l’ombre, serre dans ses
bras leur premier fils Joseph. Plusieurs auteurs
(A. Chevalier, 1995 ; S. Guégan, 2003) ont
détaillé par ailleurs les nombreux emprunts
à Poussin et l’influence d’Ingres dans cette
oeuvre, notamment pour la mise en scène et
les attitudes des personnages. Alors que la
profusion d’étoffes renvoie aux oeuvres des
maîtres de la Renaissance, la palette décline
une subtile gamme de coloris associant des
nuances de teintes chaudes et froides.
En 1845, Charles Baudelaire écrit que : « Pilliard
est évidemment un artiste érudit ; il vise à
imiter les anciens maîtres et leurs sérieuses
allures – ses tableaux de chaque année se
valent – c’est toujours le même mérite, froid,
consciencieux et tenace[1]. »
Jacques Pilliard, qui n’a pas eu de contact avec
la communauté artistique de Grenoble (si ce
n’est peut-être en Italie), est représenté par
trois peintures et un dessin dans les collections
du musée. Ces acquisitions, réalisées
du vivant de l’artiste et juste après sa mort,
témoignent non seulement de sa réputation,
mais aussi de l’intérêt porté alors aux figures
artistiques nées en Isère.
[1] Charles Baudelaire, Curiosités esthétiques, Paris, Michel Lévy, 1868, p. 32.
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