Femme s'avançant vers la droite, les bras devant (Etude pour l'Incendie)

Pierre PUVIS DE CHAVANNES
1857
39,7 x 27,1 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don des héritiers de Puvis de Chavannes en 1899

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Puvis de Chavannes n’utilise la sanguine, dans la phase préparatoire de ses peintures – décoratives ou de chevalet – que dans les premiers temps de sa carrière. Il en abandonne presque complètement l’usage après 1870. Cette grande feuille, à la sanguine brûlée et mise au carreau, est une étude pour la figure féminine qui pousse la pompe à incendie, à gauche du tableau Les Pompiers de village (ou L’Incendie) que l’artiste réalise en 1857 (conservé au musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg). Le thème réaliste – un incendie dans le Mâconnais dont il est le témoin depuis la fenêtre d’un wagon de chemin de fer – prend, sous le pinceau du jeune Puvis de Chavannes, des allures d’allégorie à la lumière insolite et poétique. La population du village se presse derrière l’énorme pompe, portant seaux et échelle, cordes et couvertures, pour prêter main forte aux pompiers casqués pendant que le feu fait rage au loin. « À côté de paysans en blouse bleue, casque de cuivre sur la tête, d’un curé en soutane, on voit des femmes pieds nus et vêtues de robes flottantes qui ne sortent point de l’atelier d’une couturière de campagne, mais d’une armoire de peintre d’histoire et d’allégorie », remarque Marius Vachon en 1895[1]. Rien dans le costume de la Femme s’avançant vers la droite, les bras devant – une tunique longue aux manches retroussées et serrée à la taille – ne permet de caractériser le lieu ou l’époque où se déroule cet événement. Il en est de même dans le dessin d’une autre figure, portant des seaux, qui se trouve au musée d’Orsay et qui prépare la femme qui se trouve à gauche, un peu en retrait. La position de leurs corps – l’une les bras exagérément tendus vers l’avant, l’autre la tête renversée – n’ont rien de naturel et sentent la pose d’atelier. Dans le tableau final, l’inscription de toutes les figures dans l’espace, la lumière irréelle, l’atmosphère ténébreuse, sont bien éloignées du réalisme de l’immense peinture de Courbet sur le même sujet, Pompiers courant à un incendie[2], en 1850-1851. « Ce tableau est un singulier mélange de réalisme truculent et de fantaisie idéale », dira Marius Vachon[3], mettant l’accent sur l’étrangeté de l’œuvre de Puvis. Si réalisme il y a chez l’artiste, il est surtout perceptible dans certains détails de ses dessins, qui se révèlent d’une grande finesse d’observation. La figure de Grenoble, au tracé ferme et appuyé, dénote par exemple une bonne maîtrise des drapés, qui modèlent et laissent deviner les volumes du corps sous-jacent. La figure est campée sur ses appuis avec fermeté, ses gestes sont d’une grande justesse anatomique et expriment force et énergie. « La silhouette est toujours fortement soulignée par les contours, les modelés simplement et fermement indiqués et conduits avec justesse à travers les jeux, peu compliqués d’ailleurs, de la lumière et de l’ombre, sur les différents plans du corps », c’est ainsi que Léonce Bénédite caractérise les dessins à la sanguine de l’artiste[4]. En plus de cette grande figure de femme, on recense au moins une composition d’ensemble, au trait rapide et vigoureux, et sept autres feuilles d’études de figures individuelles pour la préparation de ce tableau, toutes à la sanguine et dispersées entre les musées de Dijon, Rouen, Toulouse, Amiens, Lille, Paris, aux musées du Petit Palais à Paris et d’Orsay (conservée au Louvre)[5]. Ces musées, comme le musée de Grenoble, ont bénéficié de la générosité des héritiers de l’artiste en 1899 et se partagent, avec les musées de Poitiers, Marseille et Lyon, près de neuf cents feuilles de Puvis de Chavannes.


[1] Marius Vachon, Puvis de Chavannes, Paris, 1895, p. 63-64.
[2] Paris, musée du Petit Palais, inv. PPP737.
[3] Marius Vachon, op. cit. p. 63-34.
[4] Léonce Bénédite, « les dessins de Puvis de Chavannes au musée du Luxembourg », Revue de l’art ancien et moderne, janvier 1900, p. 23-24.
[5] Voir Aimée Brown-Price, Pierre Puvis de Chavannes II : Catalogue Raisonné of The Painted Works, cat. 83, related works, p. 56. Le dessin de Grenoble n’a pas été recensé dans les œuvres en rapport. La composition d’ensemble a été vendue chez Sotheby’s en 1996.

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