Jésus chez Marthe et Marie

Jacques Denis PILLIARD
1844
21,9 x 24,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à M. Ernest Bizot, conservateur du musée de Vienne, en 1899

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Né à Vienne en Isère, Jacques Denis Pilliard passe la plus grande partie de son existence à Rome, tout en étant présent sur la scène artistique française par l’envoi régulier d’œuvres au Salon. Après une première formation à Lyon, auprès de Claude Bonnefond, il se rend à Paris et suit l’enseignement de Victor Orsel. Mais c’est dans la ville éternelle – qu’il rejoint en 1837 pour la quitter définitivement en 1890 – que Pilliard parfait son éducation artistique par la fréquentation des grands maîtres, en particulier Raphaël, et la rencontre avec Auguste Dominique Ingres, alors directeur de l’Académie de France qui le conforte dans ses choix. La primauté du dessin sur la couleur, les lignes épurées, la construction rigoureuse, la touche précise et lisse, l’expression retenue des sentiments, doivent en effet autant à Ingres qu’à Poussin. Dans la production de Pilliard, la peinture religieuse domine. Dans l’unique monographie consacrée à l’artiste, Jules et Claude Bouvier n’hésitent pas à déclarer : « S’il n’a pas possédé la puissance de sentiment mystique de Flandrin, il occupe un rang distingué dans le groupe de peintres éclairés qui ont tenté, peu de temps après 1830, la rénovation de l’art religieux en France[1]. » Cette feuille, d’un néoclassicisme un peu austère, est l’étape ultime d’un long processus préparatoire qui conduit à la réalisation de Marthe et Marie *, son envoi au Salon de 1844, peint à Rome et acheté par le musée de Grenoble en 1850. Il s’agit d’un dessin abouti qui n’a guère été modifié lors de sa traduction en peinture, mais a été précédé de nombreuses feuilles analysant pour chaque figure attitudes et drapés de manière minutieuse [2]. Ces études, et toutes celles qui constituaient son fonds d’atelier, ont été récemment retrouvées dans une institution religieuse de Vienne, à qui l’artiste les avaient léguées à sa mort. La composition du dessin de Grenoble est empruntée directement à la gravure de Louis Simonneau d’après le tableau peint par Antoine Coypel pour le duc de Bourgogne entre 1700 et 1712 et aujourd’hui disparu, *Le Christ chez Marthe et Marie. On y voit Marthe, debout au centre, qui se plaint que sa sœur Marie, à genoux, néglige ses tâches ménagères pour écouter Jésus[3]. Mais chez Pilliard, la mise en scène se fait plus théâtrale, les expressions plus intérieures. Cette rigueur de la composition, cette impassibilité des visages, vaudront à l’artiste ce commentaire en demi-teinte de Baudelaire : « Pilliard est évidemment un artiste érudit ; il vise à imiter les anciens maîtres et leurs sérieuses allures – ses tableaux de chaque année se valent –, c’est toujours le même mérite, froid, consciencieux et tenace [4]. »


[1] Jules Bouvier, avocat, et l’abbé Claude Bouvier, professeur à l’École Saint-Maurice, Le Peintre Jacques Pilliard (1811-1898), Vienne, 1898, p. 67.
[2] Il s’agit d’une Étude pour la figure du Christ où l’artiste se concentre sur la drapé, d’une Étude pour la figure de femme portant une amphore, de deux Études pour la figure de Marthe, dans deux attitudes différentes, et d’une Étude de draperie pour le rideau qui encadre la porte à gauche. Ces dessins se trouvaient à l’Institution Robin de Vienne qui en a fait don en 2016 au musée de la Ville.
[3] Évangile selon Luc, 10, 38-41.
[4] Charles Baudelaire, « Salon de 1845 », Œuvres complètes, t. II, Curiosités esthétiques, 3e éd., Paris, 1880, p. 32.

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