Sémiramide

37 x 27,1 cm (hors marge)
Si Fantin-Latour puise la plupart de ses sujets musicaux dans le répertoire allemand (Brahms, Schumann, Wagner) et chez Berlioz, il fait quelques incursions dans l’œuvre de Rossini, que les wagnériens opposaient lors volontiers, pour le dénigrer, à leur héros. Il illustre ainsi le Stabat Mater (en 1893-1894) et Semiramide. Du mélodrame, il tire cette planche, exécutée vers 1894-1895 et présentée au Salon de 1895.
Sémiramis[1] est la reine de Babylone depuis la mort de son mari et la disparition mystérieuse de son fils. La colère des dieux s’est abattue depuis quelque temps sur la ville. Au milieu des intrigues que chacun ourdit dans l’espoir de conquérir le trône, Sémiramis s’apprête à révéler le nom de son successeur. Ce sera Arsace, un jeune commandant de l’armée assyrienne. Fantin a choisi de transcrire un moment d’apaisement dans le drame (acte I, scène 9) : Séminaris vient d’apprendre qu’Arsace est de retour à Babylone et chante son bonheur, dans une cavatine avec chœur qui compte parmi les morceaux de vocalise les plus célèbres :
Un beau rayon charmant (Bel raggio lusinghier…)
D’espoir et de plaisir
A enfin brillé pour moi…
Sémiramis est entourée au premier plan de deux femmes qui viennent de l’aider dans sa toilette, celle de droite lui tend son diadème. Fantin n’a pas suivi le livret qui met en scène la reine assise sous une tonnelle, mais il n’a pas non plus gommé l’atmosphère aimable et légère de cette scène qui précède le drame. Debout, Sémiramis occupe avec majesté et monumentalité la totalité de la composition. L’artiste a fait un usage intensif du grattoir, qui module toute la surface de la planche. Cette œuvre a été suscitée par Edmond Maître (1840-1898) à qui elle est dédicacée [2]. Mélomane, collectionneur (de Monet, Bazille, Renoir…), il fut l’un des plus proches amis de Fantin, qui le représenta dans Autour du piano en 1885[3]. Avec Maître en effet, Fantin partage un commun amour de la musique : pour l’anecdote, c’est grâce aux billets que Maître lui cède en 1876 que Fantin se rend au festival de Bayreuth écouter Wagner. Ils iront ensuite ensemble à Londres en 1882 pour la saison Wagner.
[1] Nous avons laissé dans le titre le nom italien, comme l’avait choisi Fantin.
[2] Hédiard, « Les lithographies nouvelles de Fantin-Latour. Préface au supplément du catalogue paru en 1899 », rééd. dans 1980-1981 Genève, cat. exp., p.71.
[3] Paris, musée d’Orsay. Voir MG 1469-1, calque de la composition : Edmond Maître est au centre de la composition, assis, de profil vers la gauche. Accoudé au piano, il regarde et écoute Chabrier.
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