Femme à genoux en prière

Camille-Auguste GASTINE
XIXe siècle
Sanguine, rehauts de craie blanche sur papier vélin beige
37,8 x 27,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°965)

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Cette très belle étude de femme agenouillée à la sanguine, rehaussée de craie blanche, est entrée en 1902 au musée de Grenoble sous le nom de « Lazerges ». Mais la découverte d’une feuille très proche dans la collection du Minneapolis Institute of Arts, présentant la même figure en prière mais avec un drapé différent, permet aujourd’hui de la rendre à son véritable auteur : Camille-Auguste Gastine. Le dessin de Minneapolis, donné en 2003 par Molly Klobe, provient en effet de la vente d’une partie de l’atelier de l’artiste à Bourges en 2000 [1]. Une autre étude pour la même femme, au crayon graphite sur papier gris-bleu, conservée chez les descendants[2], vient confirmer la paternité de la feuille de Grenoble. Camille-Auguste Gastine, élève d’Auguste Hesse, Paul Delaroche et Édouard Picot, présente régulièrement des tableaux religieux au Salon à partir de 1844 et participe à l’Exposition universelle de 1855 [3]. Mais il s’illustre surtout dans la peinture décorative et la création de cartons de vitraux ce qui rend malaisée l’appréhension globale de sa production artistique. Ses œuvres sont soit difficiles d’accès – décors d’hôtels particuliers peu accessibles [4] –, soit dissimulées sous le nom d’un autre artiste. Car Gastine apporte régulièrement sa collaboration à des chantiers décoratifs pilotés par des peintres plus en vue que lui : Hippolyte Flandrin pour les fresques de l’église Saint-Germain-des-Prés, Sébastien Cornu dans la chapelle de l’Élysée, Alexandre Hesse à Notre-Dame-de-Lorette ou encore Savinien Petit dans la chapelle de l’Hôtel de Broglie à Paris ou dans l’église Saint-André de Bordeaux. Aucune étude récente – à l’exception d’un article paru dans le catalogue de l’exposition « Jean-Baptiste Poncet » en 2001 [5] – n’a été consacrée à Gastine et rien ne permet aujourd’hui de retracer avec précision sa participation à ces différents programmes décoratifs. Dans la seule biographie qui lui est consacrée, parue à sa mort en 1867 sous le nom d’auteur « E. A. G. », on apprend que « s’il a plus produit pour d’autres que pour lui-même, s’il a moins cherché la réputation que le travail, s’il a plus pratiqué que créé, c’est aussi que l’homme de cœur qui doublait chez lui l’artiste, ne lui permettait pas d’entreprendre au hasard une composition capitale, dont il ne pût faire par lui-même les frais » [6]. De son intense activité artistique, ne nous restent donc que ses dessins préparatoires, dont la plus grande partie est encore conservée chez ses héritiers, à l’exception des feuilles dispersées lors de la première vente d’atelier en 1869 [7] et celles vendues en 2000 à Bourges. Cette étude de femme, au trait sûr, précis, mettant l’accent sur les plis du drapé au détriment du visage et des mains, est à placer après les deux autres dessins de la même figure (une sainte ?), car l’artiste accentue ici son étude de la lumière et des ombres sur les étoffes pour mieux en sculpter les volumes. Elle n’a pu, pour l’instant, être mise en relation avec aucune peinture décorative ou projet de vitrail, car ce travail d’identification reste à faire pour l’ensemble de sa production graphique. Si Gastine n’est pas un élève d’Ingres, il n’en subit pas moins son influence, en particulier dans ses dessins qui adoptent une pureté de formes et une simplicité tout ingresques. Cela n’a rien d’étonnant puisqu’il travaille aux côtés des plus fervents disciples de ce dernier : Hippolyte Flandrin, Sébastien Cornu ou encore Raymond Balze qu’il côtoie dans la manufacture de vitraux d’Alexandre Mauvernay (voir la notice de l’œuvre Martyre de sainte Philomène). Pour son biographe, la foi de Gastine est indiscutable et imprègne toute sa production, « une foi sincère, un véritable dévouement aux traditions de l’art catholique, à ce passé auquel se rattachent tant de belles œuvres » [8], proche en cela d’Hippolyte Flandrin et Savinien Petit.


[1] Atelier Camille-Auguste Gastine (1819-1866), […], Dessins et peintures, Vente Bourges-Francentre, Hôtel de ventes Jacques-Cœur, 1er avril 2000 (expert Chantal Kenzey), Bourges, 2000, no 66.
[2] Non vendue lors de la vente de 2000 à Bourges, figure dans le catalogue de cette vente sous le numéro 118.
[3] Le tableau qu’il envoie à l’Exposition universelle, Sainte Catherine d’Alexandrie, est aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts d’Orléans.
[4] Parmi lesquels on compte la Maison de Diomède, avenue Montaigne, l’Hôtel Granger et l’Hôtel du duc Galliera.
[5] Chantal Kenzey, « L’exemple d’un autre collaborateur de Flandrin : Camille-Auguste Gastine (1819-1867) », in cat. exp. Jean-Baptiste Poncet, [1er août-18 novembre 2001] (Jérôme Monchal dir.), Saint-Julien-Molin-Molette, Musées de Vienne, 2001, p. 25-26.
[6] E. A. G., Notice sur Gastine (Camille-Auguste), artiste peintre mort le 3 avril 1867, Paris, 1867, p. 14.
[7] Catalogue des tableaux, dessins, aquarelles de Camille-Auguste Gastine […], Hôtel Drouot, […], Paris, 1868. La vente s’est déroulée les 5 et 6 janvier 1869.
[8] E.A.G., op. cit., p. 3.

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