Personnage en costume médiéval (Dante ?)

Eugène-Ernest HILLEMACHER
XIXe siècle
Crayon graphite, rehauts de craie blanche, mise au carreau au crayon graphite sur papier vélin beige
29,3 x 15 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°960)

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Cette belle étude pour un personnage en costume médiéval, représentant très probablement Dante Alighieri, le célèbre poète florentin du XIIIe siècle auteur de la Divine Comédie, est entrée dans la collection du musée sous le nom d’Eugène Ernest Hillemacher. Ce peintre d’histoire, élève de Léon Cogniet à l’École des beaux-arts, s’illustre surtout au Salon par des tableaux religieux et des scènes de la vie antique, comme Cornélie, mère des Gracques en 1840 ou Antoine rapporté mourant à Cléopâtre, vaste toile achetée par l’État au Salon de 1863 et envoyée au musée de Grenoble [1]. Cette dernière lui vaut de sévères critiques de la part de Charles-Aimé Dauban : «Vulgarité de couleur, vulgarité de dessin, vulgarité de sentiment, ce tableau n’a rien qui le recommande qu’un beau sujet indiqué et manqué [2].» Théodore Pelloquet, de son côté, suggère que « M. Hillemacher traite les sujets d’histoire dans un style qui convient mieux à l’anecdote et au genre » [3]. C’est d’ailleurs ces œuvres, entre grande et petite histoire, comme Philippe IV et Velasquez ou Molière consultant sa servante, qui lui assurent un succès populaire. Jusqu’à ce jour, aucune peinture de l’artiste n’a pu être mise en relation avec ce dessin. Et sa production graphique, à l’exception des quelques feuilles passées en vente ces dernières années et le délicat Portrait de jeune garçon de 1857, conservé au Metropolitan Museum de New York [4], est encore largement méconnue. Le travail de recherches entamé par Stéphan Perreau sur la vie et l’œuvre peint, dessiné et gravé d’Ernest Hillemacher permettra sans doute de mieux connaître son activité de dessinateur et d’identifier avec plus de précision cette feuille. Une biographie rédigée par l’artiste lui-même en 1885, assortie d’un livre de comptes, nous informe en tout cas de son intérêt pour Dante, après son retour d’Italie en 1881 : « Avant de reprendre la palette et les pinceaux, je m’exerçai d’abord à faire des travaux plus compatibles avec mon état de santé et à entreprendre des œuvres que je pouvais exécuter devant une table et sans emploi de modèles. C’est ainsi que j’ai fait successivement une traduction en prose de L’Enfer de Dante, avec une composition dessinée sur chacun des 34 chants du poème [5]. » Parmi les dessins recensés par l’artiste, on trouve en effet « deux portraits de Dante et trente-quatre compositions dessinées sur les sujets de l’Enfer » [6]. Le catalogue de la vente après décès [7] de son atelier recense, sous le n° 39, « Le Dante aux Enfers. Esquisse », ce qui suggère une composition peinte sur le même sujet, peut-être non aboutie. Et sous les n° 86 et 87, sont listées deux « suites de dix-huit dessins pour l’illustration de l’Enfer ». Il est difficile, en l’état actuel des connaissances, de savoir si cette feuille est préparatoire au tableau de Dante aux Enfers, resté au stade de l’esquisse, ou aux illustrations de L’Enfer [8]. Il n’est guère étonnant en tout cas de trouver un portrait de Dante dans la collection de Léonce Mesnard, propriétaire de cette feuille avant son entrée au musée. Son père, Jacques André Mesnard, pair de France et premier vice-président du Sénat, rédacteur de la constitution du Second Empire, a lui aussi entrepris entre 1854 et 1857 une traduction de la Divine Comédie, louée par de nombreux commentateurs de l’époque : « M. Mesnard atteint à une précision parfaite, en s’interdisant des termes trop techniques ou trop pédantesques, qui nous ferait prendre Dante pour un pédant », lit-on dans le Journal des Débats du 22 mai 1857 [9]. Léonce Mesnard, auteur des notes des traductions de son père, montre ici son attachement à la figure du poète florentin en se portant acquéreur de cette feuille, bien après le décès de son père, survenu en 1858.


[1] Eugène Ernest Hillemacher, Antoine rapporté mourant à Cléopâtre, 1863, musée de Grenoble, MG 502. Le musée conserve aussi l’esquisse préparatoire pour ce tableau, MG 2001-60.
[2] Charles Aimé Dauban, Le Salon de 1863, Paris, 1863, p. 28.
[3] Théodore Pelloquet, L’Exposition, Journal du Salon de 1863, 9 août 1863, p. 2.
[4] Eugène Ernest Hillemacher, Sketch of a Young Boy, 1857, New York, Metropolitan Museum, inv. 33.104.2584.
[5] Une copie de cette biographie, fournie en janvier 1995 par Mme Bricard, arrière-petite-fille de l’artiste, est conservée à la documentation du musée d’Orsay. Une première partie datée de 1878, intitulée Notice préliminaire, est suivie d’une liste de ses œuvres. La biographie reprend ensuite, à la date de 1885, sous le titre de Suite de mes notes et impressions. La citation est à la p. 42.
[6] Hillemacher, Suite de mes notes, p. 38.
[7] Catalogue des tableaux, esquisses, études, dessins, composant l’atelier de E. Hillemacher, Paris, 7 mai 1887, no 39, p. 13 et nos 86 et 87, p. 21.
[8] Stéphan Perreau nous signale aussi que dès 1861, Ernest Hillemacher avait déjà fait au crayon un Dante, avec un Cervantès, un Shakespeare et un Corneille qui restent encore à découvrir (mail du 25 avril 2017).
[9] Cette recension a été publiée à nouveau dans « Études littéraires et morales », in Œuvres complètes de H. Rigault, précédées d’une notice biographique et littéraire de M. Saint-Marc Girardin, Paris, t. II, 1859, p. 468.

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