En Auvergne, étude de figures
Les personnages qui composent cette feuille d’études ne peuvent être rapprochés d’aucune peinture connue de Nicolas Berthon, à l’exception cependant de celui de droite, vu de face et de dos avec son haut bicorne, pris à tort pour un garde-champêtre dans l’inventaire de la collection Mesnard[1]. Nous devons à Nicolas Chabrol, auteur de la seule étude récente sur l’artiste[2], l’identification de ce personnage et son rapprochement avec un tableau, conservé actuellement au musée Roger-Quilliot : Une procession à Saint-Bonnet (Puy-de-Dôme). Il s’agit en fait d’un porteur de la châsse de Saint-Amable dont le costume si particulier est décrit par Georges Vitoux, lorsqu’il commente ce tableau présenté au Salon de 1877 : « […] un groupe de quatre jeunes hommes, en costume de Brayauds, veste de bure blanche et culotte semblable fixée au genou par la jarretière sombre, et coiffés du haut chapeau noir d’une forme analogue à ceux des incroyables du Directoire »[3]. Le dessin de Grenoble, précisément daté de mai 1875, doit donc faire partie des premières phases d’études pour le tableau, quand l’artiste se documente avec précision sur le costume de ses personnages, croquant différentes attitudes pour saisir celles qui seront les plus pertinentes pour rendre compte de cette coutume auvergnate. Le jour de la Saint-Amable, avait lieu à Saint-Bonnet-le-château, une cérémonie religieuse où une Vierge de style gothique, supportant un grand Christ décharné, était promenée dans le village sur une châsse. Les figures des porteurs, au costume si original, seront reprises par Armand Cassagne dans son ouvrage Le dessin enseigné par les maîtres, paru en 1890. Les postures étudiées dans le dessin ne seront pas retenues dans le tableau final. Quant aux autres personnages, l’abbé et le joueur de boules, ils préparent peut-être des compositions disparues de l’artiste, dont seuls quelques tableaux sont encore visibles. On sait par exemple, grâce au catalogue de la vente après décès de 1889, que Nicolas Berthon avait consacré une peinture à un Jeu de boule (n°20), une autre à un _Jeu de quilles _(n°90)[4]. La figure d’abbé devait prendre place dans une des nombreuses scènes de sortie de messe, de procession religieuse ou d’enterrement dont l’artiste s’est fait une spécialité. Cette feuille montre des personnages croqués sur le vif, avec ce souci scrupuleux de description des costumes régionaux qui participe au succès de la scène de genre pittoresque et régionaliste à la fin du Second Empire et sous la Troisième République. « De même qu’il a montré le paysan auvergnat dans sa vie extérieure, de même aussi il excelle à le représenter dans son existence intime » conclut Georges Vitoux, louant le souci de vérité qui anime Nicolas Berthon dans sa description de la vie rurale en Auvergne[5].
[1] Cet inventaire a été dressé par Jules Bernard lors de l’entrée au musée des dessins de la collection de Léonce Mesnard en 1902.
[2] Nicolas Chabrol, La vie et l'œuvre du peintre Nicolas Berthon (1831-1888), Mémoire de maîtrise, histoire de l’art, Université de Clermont-Ferrand 2, 1986 (manuscrit).
[3] Georges Vitoux, "N. Berthon", in L'Auvergne artistique et littéraire, Paris, 1888, p.193-194.
[4] Vente aux enchères publiques des tableaux, études et dessins par feu N. Berthon […] garnissant l’atelier à son décès, Hôtel Drouot, les 12 et 13 avril 1889.
[5] Georges Vitoux, op. cit., p.200.
Découvrez également...
-
Jupiter et la chèvre d'Amalthée
vers 1655 - 1665 -
Bol
XVIIIe siècle -
Vierge à l'Enfant
XVe siècle