Les Bûcherons

Actif au XVIIIe siècle dans le sud de la France,
Verdussen est aujourd’hui un artiste oublié.
Il semble avoir beaucoup travaillé pour la
noblesse locale et de nombreuses oeuvres de
sa main sont encore dans des collections privées.
Verdussen excelle dans les batailles, sujet
hérité de son père, le peintre Pieter Verdussen
(1662-après 1701) et plusieurs de ses compositions,
dans la lignée de Snayers et de Van der
Meulen, sont conservées dans les collections
des musées d’Anvers et de Marseille.
Voyait-on en France en Jan Peeter Verdussen
un héritier et successeur de Van der Meulen ?
Tout porte à le croire bien que l’école française
ait pu s’affirmer au XVIIIe siècle et concurrencer
les artistes hollandais ou flamands
dans tous les genres, y compris ceux qui leur
étaient traditionnellement « réservés » comme
le portrait, la scène de genre, le paysage, la
nature morte ou les batailles. Rappelons que
la renommée des peintres néerlandais en Provence
était bien établie depuis le XVe siècle et
la présence de Barthélemy d’Eyck, documentée
à Aix-en-Provence entre 1447 et 1476, en
constitue un bel exemple. Des peintres comme
Verdussen poursuivent donc cette vénérable
tradition des artistes des Pays-Bas installés
dans cette région méridionale.
Sa renommée comme peintre de batailles est si
grande que le duc voisin, Charles Amédée III
de Savoie, l’appelle à Turin. Entre 1743 et 1746, il le paie pour une grande série de batailles qui
continue les cycles guerriers réalisés par Jan
van Huchtenburg ou encore de Hyacinthe
de la Pegna[1]. Agrégé en 1759 à l’Académie de
peinture et de sculpture de Marseille avec un
Choc de cavalerie[2], Verdussen meurt à Avignon
en 1763. Tout porte à croire qu’il travaille
auparavant en Angleterre, comme le montrent
deux vues de Richmond on Thames, exposées
à Maastricht en 2001[3].
Verdussen semble avoir peint les arrière-plans
dans les peintures d’autres artistes provençaux
comme Arnulphy (Aix-en-Provence). Honoré
Révelly portraiture Verdussen avec sa femme et
sa servante[4]. Il peint aussi des scènes de genre,
des haltes de militaires ou de voyageurs, des
chasses et repos de chasse, des scènes de marchés
aux chevaux. Ces dernières sont proches
de celles de Philips Wouverman, artiste très
recherché au XVIIIe siècle. En résumé, selon
Dujardin, Verdussen représente « tous les sujets
où il trouvait moyen de faire montre de ses
connaissances anatomiques du cheval »[5].
Le dessin de Grenoble a été correctement
attribué à Verdussen par Lionel Bergatto en 1994. L’écriture nerveuse, avec de nombreuses
hachures parallèles, se retrouve sur d’autres
dessins de l’artiste comme dans une Bataille au
Wallraf-Richartz Museum à Cologne[6]. Cette
technique rappelle l’art des maîtres anversois
de la fin du XVIIe siècle comme David Teniers. Il
semble que Verdussen ait commencé avec des
dessins à la plume[7] pour n’aborder la pierre
noire qu’à la fin de sa vie.
Le 18 décembre 1987, quatre peintures, des
esquisses représentant les saisons, ont été vendues
à Paris à Drouot (n°72). Il s’agit donc
de scènes rustiques : les jardiniers représentent
le printemps, la danse des bergers, l’été, les
bûcherons, l’automne et le repas près de l’âtre,
l’hiver. La scène automnale est proche du dessin
de Grenoble, en particulier dans la composition,
avec un groupe de bûcherons à droite et
des chevaux portant le bois à gauche. Le musée
de Grenoble possède un autre dessin de Verdussen,
stylistiquement très proche de l’oeuvre
présentée ici, Trois cavaliers dans un bois discutant
avec un homme (MG D 2457).
[1] Voir Meijer, Sluiter et Brizio, 2011, n°946-954.
[2] Marseille, musée des beaux-arts, Inv. n°597.
[3] Galerie Mallet, voir Grant, 11, p. 90.
[4] Voir Auquier, 1906, p. 167, ill.
[5] Voir Dujardin, 1897, p. 162.
[6] Voir Robbels, 1983, n°353.
[7] La Halte, signé et daté de 1730 ; cat. exp. Paris, 1920, n°530.
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