Scène de carnaval à Venise
Avec Giuseppe Bernardino Bison s’éteint la
grande tradition de la peinture et du dessin
vénitiens du XVIIIe siècle. Il en est le dernier
représentant tant d’un point de vue technique
– il a vu, apprécié et étudié les dessins de Sebastiano
Ricci, de Gaspare Diziani et surtout des
Tiepolo père et fils – que thématique. Le dessin
de Grenoble combine parfaitement cette
double caractéristique. Le faire renvoie ainsi
aux grands maîtres du dessin vénitien tandis
que le thème – une scène du carnaval de Venise
– fait écho aux compositions tant dessinées que
peintes de Tiepolo fils, dont on connaît
l’intérêt qu’il portait pour ce type de sujets.
Cette scène de carnaval correspond à « une
“conversation” de masques vénitiens, dans un
défilé de différents costumes, devant une tente
de carnaval, avec à l’arrière-plan, un spectacle
de funambules », comme le décrit Sergio
Marinelli.Mais si au temps de Giandomenico
Tiepolo, le carnaval était un sujet pictural
novateur de la vie quotidienne vénitienne, à
l’époque de Bison, il commence à devenir un
souvenir érigé au rang de mythe fondateur
d’une république, déchue et anéantie par les
troupes napoléoniennes en 1798.
Bison perpétue ainsi une tradition stylistique
et thématique aux relents de nostalgie en utilisant
un langage graphique éloigné des normes
néoclassiques en vigueur, dominées par la
rigidité de la ligne et par des sujets porteurs
d’exempla virtutis. D’une certaine manière,
Bison se fait préromantique.
On comprend alors que ces dessins étaient,
comme le dit Sergio Marinelli, autonomes, sans
équivalent pictural, « exécutés, au moins au
début, pour une clientèle de petits collectionneurs
aussi nostalgiques que l’artiste du splendide
passé de la cité ».