Le Christ en croix

Guardi n’est pas seulement le peintre des fameuses vedute de Venise. Il a aussi peint des compositions représentant des sujets religieux. Ce sont bien souvent des tableaux de dévotion d’usage privé, rarement des tableaux d’autel. Le dessin de Grenoble appartient à cette catégorie puisqu’il prépare un Christ en croix. Antonio Morassi a publié dans son catalogue raisonné de l’œuvre peint et graphique de Francesco Guardi quatre petits tableaux représentant des Christ en croix, tous conservés dans des collections particulières, « de tonalité sombre et dramatique pour trois d’entre eux, le quatrième au contraire d’intonation claire, argentée ». Aucun ne met en scène de manière isolée le Christ crucifié. Le peintre vénitien, pour deux des compositions, a placé à main droite les trois Marie et saint Jean l’Évangéliste. Dans la troisième, il a disposé la figure de sa mère en train de pleurer son agonie et dans la dernière, la Madeleine agenouillée au pied de la croix, le regard désespéré tourné vers le Sauveur. L’absence de telles figures sur le dessin de Grenoble pourrait faire croire que ce dernier ne prépare aucun des tableaux recensés. Il faut pourtant noter que la position frontale du Christ, la tête penchée vers la gauche, son perizonium volant au vent sur la droite, ainsi que la présence à l’arrière-plan à main gauche selon un point de vue assez bas d’édifices, synecdoque de la ville de Jérusalem, de style palladien, métaphore de la ville de Venise, se retrouvent sur l’un des quatre tableaux, celui où est représentée la Vierge en Stabat Mater. Il est donc possible que Guardi ait utilisé ce dessin pour préparer ce dernier tableau et qu’il ait rajouté au dernier moment la figure de la Vierge. Un autre dessin (Venise, Museo Correr) en rapport avec cette œuvre peinte existe [1] : il étudie de manière ciblée le Christ en croix tracé de manière toute fébrile, « expressionniste » dit même A. Morassi, sans adjonction de lavis alors que le dessin de Grenoble associe les deux médiums. Mais il n’est pas sûr que le dessin conservé au Museo Correr prépare directement le tableau. A.Morassi et T. Pignatti le datent en effet des années 1770-1780, tandis que la peinture est datée de la « prima maturità » (c. 1750-1760).
[1] Inv. n. 7296. Plume et encre brune, sur papier crème. 21,2 x 15,8 cm.
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