Etude d'homme agenouillé

Le modèle qui pose ici devant l’artiste pourrait
être un religieux de l’ordre des Servites, dont
l’habit est reconnaissable… L’attitude exprime
tout à la fois l’adoration, l’acceptation et l’humilité
: à genoux, bras ouverts, paumes tournées
vers le haut, buste légèrement redressé, regard
intensément tourné vers un point qui échappe
au spectateur, mais qui suscite l’attention du
sujet, le regard fixe. Nul ne peut s’y tromper : le
temps est suspendu dans ce moment exceptionnel
de la vision céleste. L’éclairage, qui met
en pleine clarté le visage, semble venir d’en haut
et de la droite, comme si un faisceau de lumière
tombait sur le personnage, laissant dans l’ombre
les creux des plis, traités en sfumato. La construction
de la forme par la pierre rouge et les rehauts
de blanc, essentiels pour le rendu de l’éclairage,
est typique de Curradi, qui a aussi bien utilisé la
sanguine que la pierre noire. Il est un des dessinateurs
florentins à avoir aussi souvent utilisé des papiers gris pour faire ressortir ses modèles.
La volonté d’explicitation du sentiment religieux
par une image claire est le propre des artistes
florentins, qui, tournant le dos aux recherches
du maniérisme, adhèrent à un art militant,
destiné à réveiller la foi du spectateur. L’attitude
est reprise presque exactement dans la peinture
représentant Saint Philippe Neri (Florence, Ss.
Michele et Gaetano, sacristie). Dans cette
œuvre, Curradi reprend l’iconographie du
même sujet traité par Guido Reni, un modèle
souvent répété en Toscane (Pistoia, Florence,
Uffizi). On voit ainsi comment l’artiste, par de
minimes modifications qui lui permettent de
varier les motifs, reste fidèle aux schémas établis
par les canons iconographiques. La seule
variante, en matière d’attitude et d’expression de
piété, entre le sujet représenté dans le dessin de
Grenoble et le Saint Philippe Neri, réside dans ce
léger redressement du buste, que signale habilement
le changement de direction des plis, au
niveau de la taille, là où le motif rénien soulignait
l’immobilisation du saint. Le mouvement du
visage est aussi légèrement plus accentué.
Cette recherche des variations à l’intérieur du
corpus dessiné de Curradi, dont de nombreux
dessins nous sont parvenus, se traduit par la
multiplicité d’études de pieds, de mains, de
jambes, déclinées dans une infinité de poses,
ressemblantes, mais non identiques, dont se
dégage finalement une impression de
monotonie. Ainsi, les études de Mains du musée
de Grenoble (Inv. MG D 2142), attribuées
à Carlo Dolci, pourraient bien être de lui.
Il a été formé dans le contexte des ateliers actifs
avant le tournant du XVIIe siècle.
Léonce Mesnard, qui avait attribué le dessin
exposé à Jacopo da Empoli, figure dominante
de cette génération, ne se trompait guère, même
s’il donnait au même artiste la grande étude de
Deux hommes marchant, nus (MG D 357
), qui relève d’une tout autre manière de
dessiner, loin des effets doux d’un Curradi.
Celui-ci est toujours resté plus ou moins attaché
à ce monde, alors que, lorsqu’il mourut, très âgé,
l’art à Florence avait considérablement changé,
notamment avec l’arrivée de Pierre de Cortone,
qui apporta de Rome le souffle nouveau des
grands décors baroques.
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