Sainte Barbe (?)

Jean-Paul ANDRÉ dit Frère ANDRÉ
XVIIIe siècle
Pierre noire, plume et encre brune, lavis gris et jaune, rehauts de gouache blanche, trait d'encadrement à la plume et à l'encre noire sur papier vergé ocre collé en plein
25,7 x 17,8 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3551, n°1440).

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Déclassé dans les boîtes « vrac », ce dessin a été rapproché par Pierre Rosenberg, en 1987, d’une suite de feuilles similaires conservées au Louvre. La présence de la tour à l’arrière plan permet d’identifier la jeune martyre avec sainte Barbe. Les six compositions religieuses du Louvre, auxquelles se rattache celle de Grenoble, ont été regroupées depuis le début des années 1980[1] sous le nom du peintre religieux Jean-Paul d’André dit le frère André[2]. De provenances diverses, ces œuvres présentent toutes le même format et la même technique. Parmi ces feuilles, l’annotation « Fra Andrea » portée sur La Vision d’une sainte (Inv. 34189), est à l’origine de leur attribution. D’une exécution soignée et riche, elles présentent un caractère un peu rigide qui s’accorde assez bien avec les grands tableaux religieux de frère André.
Entré chez les dominicains en 1679, ce dernier se forme dans l’atelier de Jouvenet mais n’intègre par la suite ni l’Académie Royale, ni l’Académie de Saint-Luc. Son art se caractérise par des compositions sévères aux figures massives et anguleuses dont témoignent de nombreuses compositions encore conservées. Malgré sa longue carrière, il reste fidèle à la tradition du Grand Siècle (Le Brun, Jouvenet…). Rattaché au noviciat des Jacobins de la rue du Bac (aujourd’hui église Saint-Thomas-d’Aquin), frère André travaille surtout pour des congrégations religieuses à Paris, à Bordeaux, à Lyon et à Grenoble[3] .
Notre dessin est indéniablement de la même main que ceux du Louvre et, à quelques millimètres près, présente les mêmes dimensions. Depuis la réunion de ces feuilles sous le nom de frère André, d’autres dessins similaires sont apparus sur le marché de l’art. Or, ces derniers sont en général attribués à un autre artiste, contemporain de frère André, Claude Simpol (v. 1666-1716).
Formé par Louis de Boullogne (MG 1374 et MG 710 ), Simpol n'est aujourd’hui connu qu’à travers un nombre restreint de peintures et d’estampes. Ces dernières ont permis récemment de lui rendre de façon certaine une série de dessins préparatoires à des gravures de genre[4] . Le cabinet d’arts graphiques du Louvre possède deux grisailles religieuses, classées sous le nom de Simpol, provenant de la collection Mariette[5] . L’un d’entre eux, le Lavement des Pieds, a été publié en 1976 par Pierre Rosenberg[6] . Si ces grisailles de Simpol présentent d'évidentes parentés avec celles attribuées à frère André, la facture des deux groupes est assez différente lorsqu’on examine les dessins de près. Simpol est bien plus libre dans le trait et plus pictural dans l’emploi qu’il fait de la gouache blanche. Le groupe attribué à frère André, témoigne d’une volonté illustrative plus nette et par conséquent campe des figures plus fermes et des scènes avec moins de personnages.
Si l’on considère que les attributions des dessins de références du Louvre pour André et Simpol sont exactes, nous pouvons, par son style, rattacher le dessin de Grenoble à ceux de frère André. Il conviendrait de revoir également, en les confrontant aux deux groupes, tous les dessins de ce genre apparus ces dernières années et systématiquement placés sous le nom de Simpol[7] .


[1] Regroupement réalisé lors de l’accrochage Les Grisailles, au palais de Tokyo en 1980.
[2] Un Franciscain en prière (H. 25.8 ; L. 18, INV. 7983), La Mort de saint Joseph (H. 25.4 ; L. 17.7, Inv. 14123), Saint Antoine de Padoue (H. 25.7 ; L. 17.9, INV. 14679), La Crucifixion (H. 26.6 ; L. 17.8, INV. 30407), Vision d’une sainte *(H. 25.6 ; L. 17.8, INV. 34189), *Jésus et ses disciples (H. 25.6 ; L. 18, RF 2374)
[3] A Grenoble, sont aujourd’hui présentées sous une attribution à frère André : La Multiplication des pains, Le Baptême du Christ, La Résurrection de Lazare et La Mort de la Vierge à l’église Saint-André ; Le Christ servi par les anges à l’église Saint-Laurent ; Six scènes de la vie du Christ à l’église Saint-Louis. Une partie de ces œuvres remploie des compositions célèbres, notamment de Charles Le Brun.
[4] Jadis attribués à Jacques Stella, les dessins rendus à Simpol préparent les Divertissements et occupations de la campagne gravés par Jean Mariette. Une sanguine, classée parmi les anonymes français du XVIIIe siècle au musée de Grenoble (MG D 1427), est une copie d’après L’Oublieux, gravé par Mariette d’après Simpol. Sur les rapports entre Simpol et le monde de l’estampe, voir Mulherron, 2008.

[5] Le Lavement des pieds (H. 29.4 ; L. 19.6, Inv. 32840) et le Baiser de Judas (H. 29.2 ; L. 19.8, Inv. 32839).
[6] Voir cat. exp. Paris, 1967, p. 159-160 et Rosenberg, 1976, fig. 63.
[7] Parmi les dessins apparus sur le marché, signalons :* La Trinité la Vierge et saint Jean-Baptiste apparaissant à un groupe de saints* (H. 28.3 ; L. 17, galerie Prouté, catalogue Géricault, n° 21, p. 15, repr.), Saint Crépin et Crépinien (H. 23.6 ; L. 17.2, galerie W.M. Brady and Co, New York, catalogue French Drawings, 1600-1900, 2004, n° 8), Notre-Dame des Orages (H. 26.5 ; L. 18.5, Paris, galerie Terrades, 2010). Pour les deux derniers dessins, nous penchons plus pour frère André que pour Simpol.

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