Etude de figure pour une Descente de Christ aux Limbes libérant les âmes des patriarches

Jacopo NEGRETTI dit PALMA IL GIOVANE
XVIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune sur papier vergé crème
10,6 x 16,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1369).

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Le musée de Grenoble possède deux études préparatoires pour deux dispositifs iconographiques différents, appartenant à un seul et même sujet christologique: la descente du Christ dans les Limbes pour libérer les âmes des patriarches. Palma, comme tout peintre de l’époque moderne, a représenté à plusieurs reprises, durant sa carrière, ce sujet. Il n’est donc pas étonnant qu’il l’ait étudié à travers le dessin. Stefania Mason Rinaldi, dans la monographie qu’elle a consacrée au peintre vénitien, répertorie trois tableaux représentant ce sujet. Le premier a été peint en 1589 pour l’église de San Nicolò della Lattuga àVenise et se trouve aujourd’hui à Quero (Belluno) dans l’église paroissiale[1]. Le deuxième est conservé dans la basilique de Santa Maria Gloriosa dei Frari, sans que l’on sache toutefois si l’œuvre a été commandée pour orner la chapelle Corner de cette église. S. Mason le date des alentours de 1600[2]. Le troisième tableau[3] a été peint par Palma entre 1620 et 1628 sur commande de la Compagnia di San Ligerio, pour être placé sur l’autel de sa chapelle dans l’église San Zaccaria, et fait partie d’un ensemble de toiles en forme de lunette, représentant entre autres oeuvres le Lavement des pieds et le Martyre de saint Ligerio. L’inv. MG D 2105 prépare selon toute vraisemblance le groupe de figures de patriarches, peint dans le premier tableau tandis que l’inv. MG D1005 est une étude de composition pour le dernier tableau. S’il n’avait pas été possible de mettre en relation ces deux dessins avec des œuvres peintes, il aurait été toutefois possible de les dater. On connaît, en effet, assez bien l’évolution stylistique de Palma, dont l’œuvre graphique est en nombre de feuilles extrêmement élevé. Les dessins de la fin de sa vie montrent ainsi, comme sur l’inv. MG D 1005, une ligne de circonscription plus fluide que celle que l’on constate sur les dessins datant d’époques antérieures.
D’autres dessins en rapport avec ces deux tableaux sont conservés. Pour le premier tableau, sont ainsi connues une étude de composition assez aboutie appartenant aux Offices[4], une étude du buste de la figure à la pierre noire, tenant la croix sise près du Christ[5], et une étude à la plume et à l’encre brune pour la totalité de cette figure[6]. Le dessin de Grenoble est très proche de ce dernier dans le jeu de la plume. Pour le deuxième tableau, la feuille grenobloise s’insère dans un dossier préparatoire comprenant une étude de composition d’ensemble et une étude de détails[7]. La réalisation du dessin de Grenoble précède les deux autres. Palma, en effet, modifie dans ces derniers dessins l’orientation de la disposition d’ensemble : le Christ et les figures d’Adam et Êve et des patriarches, ainsi que celle tenant la croix y apparaissent inversés. C’est cette orientation que l’on retrouve sur le tableau final. Ce changement trouve peut-être son explication dans le fait que l’emplacement définitif de l’œuvre, dans son contexte à venir, a fait lui-même l’objet au cours de la commande de modifications qui ont entraîné un nouveau rapport tant avec les sources lumineuses qu’avec les autres tableaux. Les nouvelles conditions d’éclairage et de cohérence visuelle des œuvres entre elles auraient alors amené Palma à disposer différemment les figures de son historia. Seul le format en lunette, que Palma matérialise par un trait semi-circulaire à la sanguine déjà préétabli, n’est pas modifié.


[1] Mason Rinaldi, 1984, no 224, p. 103, fig. 113, p. 232.
[2] Ibidem, no 443, p. 129, fig. 288, p. 308.
[3] Ibidem, no 493, p. 134, fig. 767, p. 464.
[4] Inv. n. 9161 F; ibidem, no D 36, fig. 115, p. 232.
[5] Princeton, The ArtMuseum ; ibidem, no D 169, fig. 114, p. 232.
[6] Milan, Biblioteca Ambrosiana ; ibidem, no D 123, fig. 116, p. 233.
[7] Le premier dessin est conservé au British Museum (ibidem, no D 95, fig. 768, p. 464), le deuxième au Kobberstiksamling de Copenhague (ibidem, no D 26, fig. 769, p. 464).

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