Etude de figure pour une Descente de Christ aux Limbes libérant les âmes des patriarches

Le musée de Grenoble possède deux études
préparatoires pour deux dispositifs iconographiques
différents, appartenant à un seul et
même sujet christologique: la descente du Christ
dans les Limbes pour libérer les âmes des
patriarches. Palma, comme tout peintre de
l’époque moderne, a représenté à plusieurs
reprises, durant sa carrière, ce sujet. Il n’est donc
pas étonnant qu’il l’ait étudié à travers le dessin.
Stefania Mason Rinaldi, dans la monographie
qu’elle a consacrée au peintre vénitien, répertorie
trois tableaux représentant ce sujet. Le premier
a été peint en 1589 pour l’église de San Nicolò
della Lattuga àVenise et se trouve aujourd’hui à
Quero (Belluno) dans l’église paroissiale[1]. Le
deuxième est conservé dans la basilique de Santa
Maria Gloriosa dei Frari, sans que l’on sache
toutefois si l’œuvre a été commandée pour orner
la chapelle Corner de cette église. S. Mason le
date des alentours de 1600[2]. Le troisième tableau[3]
a été peint par Palma entre 1620 et 1628 sur
commande de la Compagnia di San Ligerio,
pour être placé sur l’autel de sa chapelle dans
l’église San Zaccaria, et fait partie d’un ensemble
de toiles en forme de lunette, représentant entre
autres oeuvres le Lavement des pieds et le Martyre
de saint Ligerio. L’inv. MG D 2105 prépare selon
toute vraisemblance le groupe de figures de
patriarches, peint dans le premier tableau tandis
que l’inv. MG D1005
est une étude de composition
pour le dernier tableau. S’il n’avait pas été
possible de mettre en relation ces deux dessins
avec des œuvres peintes, il aurait été toutefois
possible de les dater. On connaît, en effet, assez
bien l’évolution stylistique de Palma, dont
l’œuvre graphique est en nombre de feuilles
extrêmement élevé. Les dessins de la fin de sa vie
montrent ainsi, comme sur l’inv. MG D 1005,
une ligne de circonscription plus fluide que celle
que l’on constate sur les dessins datant d’époques
antérieures.
D’autres dessins en rapport avec ces deux
tableaux sont conservés. Pour le premier
tableau, sont ainsi connues une étude de
composition assez aboutie appartenant aux
Offices[4], une étude du buste de la figure à la
pierre noire, tenant la croix sise près du Christ[5],
et une étude à la plume et à l’encre brune pour
la totalité de cette figure[6]. Le dessin de
Grenoble est très proche de ce dernier dans le
jeu de la plume. Pour le deuxième tableau, la
feuille grenobloise s’insère dans un dossier
préparatoire comprenant une étude de composition
d’ensemble et une étude de détails[7]. La
réalisation du dessin de Grenoble précède les
deux autres. Palma, en effet, modifie dans ces
derniers dessins l’orientation de la disposition
d’ensemble : le Christ et les figures d’Adam et
Êve et des patriarches, ainsi que celle tenant la
croix y apparaissent inversés. C’est cette orientation
que l’on retrouve sur le tableau final. Ce
changement trouve peut-être son explication
dans le fait que l’emplacement définitif de
l’œuvre, dans son contexte à venir, a fait lui-même
l’objet au cours de la commande de
modifications qui ont entraîné un nouveau
rapport tant avec les sources lumineuses
qu’avec les autres tableaux. Les nouvelles
conditions d’éclairage et de cohérence visuelle
des œuvres entre elles auraient alors amené
Palma à disposer différemment les figures de
son historia. Seul le format en lunette, que
Palma matérialise par un trait semi-circulaire à
la sanguine déjà préétabli, n’est pas modifié.
[1] Mason Rinaldi, 1984, no 224, p. 103, fig. 113, p. 232.
[2] Ibidem, no 443, p. 129, fig. 288, p. 308.
[3] Ibidem, no 493, p. 134, fig. 767, p. 464.
[4] Inv. n. 9161 F; ibidem, no D 36, fig. 115, p. 232.
[5] Princeton, The ArtMuseum ; ibidem, no D 169, fig. 114, p. 232.
[6] Milan, Biblioteca Ambrosiana ; ibidem, no D 123, fig. 116, p. 233.
[7] Le premier dessin est conservé au British Museum (ibidem, no D 95, fig. 768, p. 464), le deuxième au Kobberstiksamling de Copenhague (ibidem, no D 26, fig. 769, p. 464).
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