Etude pour une composition représentant une Présentation au Temple ou une Circoncision en présence de deux saints moines dont l'un présente un enfant

Distinguer et différencier l’iconographie de la
Circoncision de celle de la Présentation au
Temple, surtout lorsque ces sujets font l’objet
d’études graphiques – imprécises et sommaires
par nature –, relève de la gageure. En effet, leur
dispositif iconographique respectif est fort
similaire : leur cadre, un temple, est identique,
les acteurs sont presque les mêmes. La Vierge,
saint Joseph, le grand prêtre (Siméon, même s’il
n’est pas investi de cette fonction, est cependant
représenté sous les traits de celui-ci dans le sujet
de la Présentation) et l’enfant Jésus en sont les
protagonistes principaux. Cette proximité
dispositionnelle ne fait que suivre, d’une
certaine manière, la proximité narrative des
deux épisodes puisque, dans l’Évangile selon
saint Luc, la Présentation au temple succède à la
Circoncision. Toutes ces caractéristiques communes aux deux sujets se retrouvent sur le
dessin de Grenoble. La figure du prêtre est
montrée légèrement en retrait derrière l’autel. Il
semble simplement accueillir et recevoir
l’Enfant des mains de la Vierge. Un examen
attentif permet cependant d’affirmer qu’il tient
de sa main droite un objet oblong qui pourrait
être le couteau associé au rituel de la circoncision.
Celui-ci va donc avoir lieu. Saint Joseph
est placé à l’arrière-plan à l’aplomb du petit
Jésus ; la figure féminine de gauche est certainement
la prophétesse Anne. Une femme
figurée au bord dextre porte sur sa tête un
panier, lequel pourrait contenir les offrandes –
deux tourterelles – que la Vierge et Joseph
apportent au Temple. Tous ces éléments vont
donc dans le sens d’une interprétation en faveur
d’une représentation condensée et associative
d’une Présentation au Temple et d’une Circoncision.
Baglione a étudié, et peint à plusieurs, des
œuvres peintes représentant le sujet de la
Présentation au Temple. Aucune ne mettant en
scène le sujet de la Circoncision n’est en
revanche connue ou mentionnée par les
sources. Seul un dessin conservé à Düsseldorf
étudiant ce sujet pourrait faire penser qu’il
envisageait de le représenter sous une forme
picturale[1]. Les trois œuvres peintes conservées[2]
montrent une disposition fort éloignée de celle
adoptée dans le dessin. Qui plus est, aucune
d’entre elles n’est organisée dans le sens de la
verticalité et ne présente au premier plan les
figures de deux saints, vraisemblablement saint
François et saint Antoine abbé, assortis d’une
figure d’enfant agenouillé. Cette association de
deux temporalités unifiées spatialement
parlant, tout en étant différenciées par la contiguïté
des plans, fonctionne presque comme une
image dans l’image, confinant à une mise en
abyme du sujet représenté. Saint François et
saint Antoine abbé (?) présentent au petit Jésus
le jeune enfant, tout comme la Vierge présente
à Siméon son Enfant et par son entremise au
Seigneur. Les deux enfants sont situés sur le
même axe. Aucun autre dessin étudiant cette
disposition n’est à cette heure connu.
Le degré d’achèvement du dessin (retouché à
certains endroits sans qu’il soit possible de dire
si ces retouches sont autographes), matérialisé
principalement par la pose de rehauts de
gouache blanche, la forme à venir de la composition
circonscrite d’un trait d’encadrement
autographe cintré par le haut, conduit à penser
qu’il s’agit d’un modello potentiel d’une œuvre
qui, en amont, a fait l’objet d’une recherche
graphique poussée. La présence de l’enfant au
premier plan renforce l’idée que la commande
a été passée à Baglione pour « penser » une
disposition relativement complexe, destinée à
être placée au-dessus d’un autel, comme le
laisse supposer la forme projetée du cadre.
Pourrait-on émettre l’hypothèse qu’il puisse
s’agir du tableau qui ornait l’église romaine du
couvent de Santa Maria della Purificazione,
daté peu avant 1600? La matière stylistique du
dessin grenoblois va cependant à l’encontre
d’une datation aussi haute. À cette époque, les
dessins de Baglione sont encore investis de
signes graphiques arpinesques et zuccaresques,
comme l’est le dessin de Düsseldorf étudiant le
sujet de la Circoncision. Le dessin de Grenoble
doit très certainement être placé dans les années 1625. Un dessin préparatoire à un tableau, daté
des alentours de cette année, représentant
Sainte Catherine d’Alexandrie transportée sur le
mont Sinaï par les anges (Santa Barbara
Museum of Art), conservé à Düsseldorf[3], peut
servir de pièce de comparaison : on y retrouve la
même typologie technique et des types physionomiques
fort proches.
[1] Inv.KA (FP) 110.
[2] Une fresque à San Luigi dei Francesi peinte dans la quatrième chapelle à gauche dans un petit compartiment au-dessus d’une composition représentant une_ Adoration des Mages_ réalisée en 1630. La même année, il peignit une peinture sur toile pour l’église des Santi Cosmo e Damiano. Enfin, la dernière, également sur toile, a été peinte pour l’église de Santa Maria della Consolazione vers 1632 (un dessin conservé à Berlin, inv.KdZ 17438, prépare cette oeuvre ; consulter pour une reproduction le site Internet bildindex.de). Les sources – en particulier son autobiographie – mentionnent l’existence d’un tableau peint pour l’autel majeur de l’église du couvent de Santa Maria della Purificazione (voir Brink, 2008, p. 99-100). Enfin, Colini, 1977, émet l’hypothèse qu’une fresque se trouvant au Palazzetto de Mario Ferri Orsini sur la place Barberini représentant ce même sujet serait de sa main. Möller, 1991, p. 151, juge cette proposition problématique. Voir en dernier lieu Brink, ibidem.
[3] Inv. KA (FP) 116.