Etude de tête de moine barbu vue de trois quarts droit, les yeux tournés vers le ciel

FRA SEMPLICE DA VERONA
XVIIe siècle
Pierre noire, sanguine, trait d'encadrement rapporté au graphite sur papier crème filigrané
15 x 11,1 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3551, n°1529).

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Les salles de peinture du musée de Grenoble conservent le chef-d’œuvre de ce moine peintre : Saint François d’Assise coupant les cheveux et donnant l’habit de son ordre à sainte Claire (MG 8 ). Dans les portefeuilles du cabinet des dessins dormaient, depuis 1902, deux autres œuvres classées sans fondement sous les noms de Federico Zuccaro et de Giovanni da San Giovanni.
La manière de Fra Semplice da Verona (ce peintre intègre l’ordre des Capucins en 1614, ce qui ne l’empêche pas de devenir peintre de cour auprès de Cesare d’Este à Modène en 1617, puis de Ranuccio I Farnèse à Parme, et de travailler pour les Gonzague à Mantoue en 1621) est maintenant, depuis les travaux de David Lachenmann (1992) et de Daniele Benati (1994), facilement reconnaissable. Deux éléments sont à considérer. Ils peuvent se combiner. La plupart de ses dessins de figures sont des études de têtes de moine. Il est vrai que ce peintre est rentré dans les ordres, ce qui signifie qu’il a souvent été amené à représenter des sujets mettant en scène des épisodes de l’histoire de son ordre ou des saints religieux. Le second aspect est technique et stylistique. Ces études de figure sont toujours réalisées à la sanguine et à la pierre noire, parfois, comme c’est le cas pour la figure de jeune homme, elles sont rehaussées de craie blanche. L’utilisation de ces médiums correspond toujours à un usage sémiotico-mimétique : la sanguine désigne les chairs et la pierre noire, les cheveux, la barbe et les vêtements.
On s’est un temps interrogé sur les influences que ce peintre aurait reçues. Né en Vénétie, à Vérone, il a vu et étudié des dessins de maîtres vénitiens et véronais. Ceux de Jacopo Bassano réalisés à l’aide des mêmes médiums (les « matite » et les pastels) et de ses fils sont assez proches de sa manière. C’est d’ailleurs dans la ville de Bassano qu’il a fait son noviciat. Ses séjours prolongés à Parme et à Modène l’ont aussi amené à côtoyer, très certainement, des artistes d’origine bolonaise. Et ce n’est pas pour rien que la grande pala de Grenoble fut attribuée pendant plusieurs décennies à Annibal Carrache et à Pietro Faccini, tandis que nombre de ses dessins ont été retrouvés sous le nom d’un autre bolonais : Giacomo Cavedone. Ces errements attributifs traduisent des ancrages stylistiques certains.
La fonction préparatoire de la plupart de ces dessins est indéniable. Quelques-uns ont ainsi pu être mis en rapport avec des tableaux précis. Cela semble être le cas pour celui étudiant la figure d’un moine barbu, les yeux tournés vers le ciel (MG D 2059). Il prépare certainement la tête du bienheureux Felice da Cantalice dans un tableau le représentant recevant des mains de la Vierge l’Enfant Jésus (Ronciglione, près de Viterbe, église des Capucins). Fra Semplice l’a souvent représenté. Il est vrai qu’il appartient à son ordre. L’autre dessin grenoblois n’a pu être mis en relation avec une figure peinte précise (MG D 2006 ). Mais son usage peut être deviné. La pose correspond en effet à des figures d’anges sises sur des nuées, la main droite en arrière désignant le ciel et la gauche en avant reposant sur un nuage, tel l’archange Gabriel dans le sujet de l’Annonciation, comme celle signée et datée de 1621 conservée à Salsomaggiore Terme dans l’église des Capucins. Cela voudrait dire que Fra Semplice a dessiné devant le modèle, vraisemblablement, comme il est d’usage, un assistant, un garzone, avant de le transformer dans un autre dessin affublé de tous les signes du rang angélique.

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