Etude de tête de moine barbu vue de trois quarts droit, les yeux tournés vers le ciel

Les salles de peinture du musée de Grenoble
conservent le chef-d’œuvre de ce moine
peintre : Saint François d’Assise coupant les
cheveux et donnant l’habit de son ordre à sainte
Claire (MG 8
). Dans les portefeuilles du cabinet des
dessins dormaient, depuis 1902, deux autres
œuvres classées sans fondement sous les noms
de Federico Zuccaro et de Giovanni da San
Giovanni.
La manière de Fra Semplice da Verona (ce
peintre intègre l’ordre des Capucins en 1614,
ce qui ne l’empêche pas de devenir peintre de
cour auprès de Cesare d’Este à Modène en
1617, puis de Ranuccio I Farnèse à Parme, et
de travailler pour les Gonzague à Mantoue en
1621) est maintenant, depuis les travaux de
David Lachenmann (1992) et de Daniele Benati (1994),
facilement reconnaissable. Deux éléments sont
à considérer. Ils peuvent se combiner. La
plupart de ses dessins de figures sont des études
de têtes de moine. Il est vrai que ce peintre est
rentré dans les ordres, ce qui signifie qu’il a
souvent été amené à représenter des sujets
mettant en scène des épisodes de l’histoire de
son ordre ou des saints religieux. Le second
aspect est technique et stylistique. Ces études
de figure sont toujours réalisées à la sanguine et
à la pierre noire, parfois, comme c’est le cas
pour la figure de jeune homme, elles sont
rehaussées de craie blanche. L’utilisation de ces
médiums correspond toujours à un usage
sémiotico-mimétique : la sanguine désigne les
chairs et la pierre noire, les cheveux, la barbe
et les vêtements.
On s’est un temps interrogé sur les influences
que ce peintre aurait reçues. Né en Vénétie, à
Vérone, il a vu et étudié des dessins de maîtres
vénitiens et véronais. Ceux de Jacopo Bassano
réalisés à l’aide des mêmes médiums (les
« matite » et les pastels) et de ses fils sont assez
proches de sa manière. C’est d’ailleurs dans la
ville de Bassano qu’il a fait son noviciat. Ses
séjours prolongés à Parme et à Modène l’ont
aussi amené à côtoyer, très certainement, des
artistes d’origine bolonaise. Et ce n’est pas pour
rien que la grande pala de Grenoble fut attribuée
pendant plusieurs décennies à Annibal
Carrache et à Pietro Faccini, tandis que nombre
de ses dessins ont été retrouvés sous le nom
d’un autre bolonais : Giacomo Cavedone. Ces
errements attributifs traduisent des ancrages
stylistiques certains.
La fonction préparatoire de la plupart de ces
dessins est indéniable. Quelques-uns ont ainsi
pu être mis en rapport avec des tableaux précis.
Cela semble être le cas pour celui étudiant la
figure d’un moine barbu, les yeux tournés vers
le ciel (MG D 2059). Il prépare certainement la tête du
bienheureux Felice da Cantalice dans un
tableau le représentant recevant des mains de la
Vierge l’Enfant Jésus (Ronciglione, près de
Viterbe, église des Capucins). Fra Semplice l’a
souvent représenté. Il est vrai qu’il appartient à
son ordre. L’autre dessin grenoblois n’a pu être
mis en relation avec une figure peinte précise (MG D 2006
).
Mais son usage peut être deviné. La pose
correspond en effet à des figures d’anges sises
sur des nuées, la main droite en arrière
désignant le ciel et la gauche en avant reposant
sur un nuage, tel l’archange Gabriel dans le
sujet de l’Annonciation, comme celle signée et
datée de 1621 conservée à Salsomaggiore
Terme dans l’église des Capucins. Cela
voudrait dire que Fra Semplice a dessiné
devant le modèle, vraisemblablement, comme
il est d’usage, un assistant, un garzone, avant de
le transformer dans un autre dessin affublé de
tous les signes du rang angélique.
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