(Sans titre)

Les deux faces de cette feuille sont manifestement
de la même main. L’attribution à
Giovanni Battista Naldini, un des collaborateurs
les plus doués de Giorgio Vasari (1511-1574), a
été établie séparément par les spécialistes du
domaine (Ph. Costamagna, F. Färb, C.Monbeig
Goguel, Ed. Pillsbury). Le recto est en rapport
avec le groupe central montrant l’affrontement
de deux cavaliers dans la fresque de la Bataille de
San Vincenzo, peinte sur la paroi ouest
du Salone de’Cinquecento (Salon des cinq cents)
dite aussi Sala del maggior consiglio, au Palazzo
Vecchio, à Florence. Le verso correspond au détail
d’un cavalier se retournant à l’extrême gauche
dans la Bataille de Marciano peinte sur
le mur opposé de la même salle monumentale,
dénommée à l’époque Sala Grande.
La première fresque, dont le titre italien exact
est La Rotta dei Pisani a Torre San Vincenzo, fait
partie du cycle illustrant la guerre de Pise, et fut
peinte en 1568 ; la seconde, dont le carton fut
réalisé en 1570[1], s’inscrit dans celui de la guerre
de Sienne. L’ensemble de la décoration fut
peinte par Giorgio Vasari et ses aides.
Naldini, qui n’était plus jeune, a participé activement
à la préparation et à la réalisation de ces
immenses peintures. Divers documents
montrent qu’il fut particulièrement actif dans
la préparation de la Bataille de San Vincenzo,
pour laquelle il fournit plusieurs études de
batailles, d’une vigueur et d’une liberté dont
Vasari ne semble pas avoir été capable. À celles
déjà connues, s’ajoutent celle de Grenoble et
celle, dessinée sur les deux faces de la feuille,
autrefois dans la collection E. Schapiro et
J. Fryszmann, qui correspond à l’arrière-plan de
la Bataille de San Vincenzo [2]. Les
mêmes dimensions approximatives se retrouvent sur ces deux dessins, sur l’étude de Bataille (ENSBA M. 2356) [3] et sur plusieurs autres études, en liaison ou non avec les
peintures de la Sala Grande, de provenances
diverses. La petite feuille de Dresde (Kupferstichkabinett,
inv. C93), où sont étudiées Deux
têtes de chevaux de la Bataille de San Vincenzo,
porte une inscription à la plume, da Gior :°
Vasari, semblable à celle qui figure sur le dessin
de Grenoble. Ces dessins proviennent visiblement
d’un même album, déjà dispersé au milieu
du XIXe siècle. L’observation a été faite à propos
de deux feuilles passées en vente chez Christie’s [4].
Dans la plupart des cas, les dessins de Naldini
en rapport avec les peintures murales de la Sala
Grande ont été faits sans but précis, comme des
variations ou des exercices sur le thème de la
bataille de cavaliers, inspirés du modèle de
Léonard de Vinci et de la Bataille d’Anghiari,
destinée à cette décoration, connue seulement
par son carton et les dessins préparatoires
(1504). Dans le cas de la feuille de Grenoble, la
précision du rapport avec la fresque et l’aspect
circonscrit des motifs tant au recto qu’au verso
laissent penser qu’il s’agit plutôt d’une étude
d’après un dessin de Vasari, ce que confirmerait
l’annotation ancienne (le nom de Salviati
n’étant qu’un ajout postérieur).
Naldini reçut les premiers paiements pour son
travail à la Sala Grande le 2 septembre 1564 ; il
continua à être payé pour ceux-ci pendant
quinze mois, avec un salaire quotidien assez
bas. Plusieurs lettres de Vasari des mois d’avril
et mai 1567 montrent que Naldini fut envoyé à
Pise (et à Livourne) dans le but d’étudier les
sites qui devaient être représentés dans les
arrière-plans des batailles de la guerre de Pise [5].
Auparavant, Naldini, reconnu pour ses talents exceptionnels de dessinateur, avait été envoyé à
Rome en 1560/1561 pour y dessiner les sites et
les monuments de la Ville éternelle. Il en
rapporta un carnet de dessins récemment
étudié.
[1] Cette date est donnée par une lettre du 12 janvier de Don Vincenzo Borghini à Vasari alors à Rome
[2] Pierre noire sur papier gris, 10 x 13,2 cm.
[3] Plume, encre brune, 10,2 x 13,9 cm.
[4] Paris,Christie’s, 21mars 2002, no 16 (provenant de la collection Pierre de Charmant), et Londres, Christie’s, King Street, 8 juillet 2003, no 24, avec un renvoi à deux dessins du Louvre, inv. 10 400 et 2097.
[5] Naldini reçut un paiement le 14 juin 1567 pour les dépenses engagées « in detto viaggio andato aritrare piu luoghi p(er) ordine di deto gorgo ce sia apartengono nella istoria dele guere pisane ».
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