Un Basset

Aert Schouman est sans doute l’un des peintres
et dessinateurs les plus importants et les plus
productifs du XVIIIe siècle en Hollande. S’il
produit aussi des portraits, quelques tableaux
d’histoire et de genre ainsi que quantité de
peintures décoratives[1], c’est surtout pour ses
talents d’aquarelliste qu’il passe à la postérité. Il
produit dans cette technique des dessins topographiques,
des marines, des natures mortes,
des copies d’après des tableaux anciens, mais il
se spécialise avant tout dans les sujets animaliers.
Artiste apprécié de ses contemporains,
actif auprès de plusieurs sociétés savantes, il
reçoit de multiples commandes de la noblesse
et des riches marchands de Dordrecht, sa ville
natale, puis de Middelburg et de La Haye, ville
où il finira par s’installer à partir de 1753.
Ce petit portrait de chien est sans aucun
doute de la main d’Aert Schouman ainsi que
l’a confirmé Charles Dumas[2]. La palette des
tons utilisés par l’artiste est caractéristique
de son oeuvre, tout particulièrement le bleu-vert
employé pour la végétation. Les traces de
pierre noire qui ont permis à Schouman de
mettre en place son animal sont bien visibles,
comme c’est souvent le cas dans ses dessins,
même les plus finis[3]. La fluidité enfin avec
laquelle l’artiste a appliqué l’aquarelle fait de
ce modeste et charmant portrait animalier une
oeuvre incontestable de notre dessinateur.
Schouman produit un nombre très important
de représentations d’oiseaux mais ses dessins
de mammifères sont beaucoup plus rares. Il
représente parfois des espèces exotiques[4] et
il est plus exceptionnel de trouver dans son
oeuvre des dessins d’animaux domestiques
comme les chiens et les chats. On conserve
notamment le portrait que l’artiste fit de son
propre chat, une belle feuille en collection privée,
dans laquelle le félin est allongé devant une
plaine hollandaise[5]. La Hamburger Kunsthalle
possède quant à elle un dessin représentant un
chien de chasse[6]. Cette feuille est cependant
très atypique dans l’oeuvre de Schouman car
le dessinateur se contente rarement, comme il
le fait ici, d’un lavis gris et lui préfère généralement
les couleurs de l’aquarelle. De plus, ainsi
que l’a bien noté Annemarie Stefes, l’esquisse sous-jacente à la pierre noire est dense et nerveuse,
loin de la légèreté de trait caractéristique
de l’artiste. Dumas a suggéré que la feuille de
Hambourg devait être un dessin existant, que
Schouman a complété au lavis. C’est ce qu’il
fit également dans une autre feuille conservée
à Grenoble. D’abord réalisée à la sanguine
par un dessinateur anonyme, elle fut achevée
au lavis par Schouman[7]. C’était une pratique
récurrente chez le dessinateur ainsi que l’a
récemment bien montré Dumas[8].
Lors de sa récente restauration, le Basset a
été décollé de sa feuille de doublage. Cette
intervention a permis d’examiner son verso
qui a révélé des informations essentielles : la
marque du collectionneur hollandais Neville
Davison Goldsmid mais aussi une inscription
qui semble bien autographe[9] donnant le nom
(aujourd’hui difficile à lire) du propriétaire du
chien, l’année de réalisation du dessin et une
mention, caractéristique de l’esprit d’observation
encyclopédique de Schouman : een regte
das hont, c’est-à-dire « un basset véritable»,
l’artiste faisant sans nul doute allusion à la
pureté de race de l’animal.
[1] Deux carnets de notes de l’artiste sont conservés qui donnent de son activité de peintre de décorations murales, de blasons, de dessus de cheminée, d’éventails… un excellent aperçu. Voir Bol, 1991, p. 17-19 et passim.
[2] Communication orale, février 2013.
[3] Voir ainsi le Paon (inv 1407-98A) ou le Tétras-lyre (inv. 1407-122) conservés à la Fondation Custodia – Collection Frits Lugt, Paris (Paris, 1982, nos 40 et 29).
[4] Notamment celles de la ménagerie du stathouder au palais du Kleine Loo, voir Bol, 1991, p. 94.
[5] Voir Bol, 1991, p. 57, ill. 44.
[6] Stefes, 2011, n°958, ill.
[7] Chemin de campagne, lavis d’encres noire et brune sur un dessin à la sanguine, 9,7 x 17,4 cm, Inv. MG D 1513.
[8] Dumas, 2011.
[9] Une étude d’autres inscriptions autographes au graphite portées au verso de dessins de Schouman dans la Collection Frits Lugt (par exemple le Faisan argenté, Inv. no 1407-126, Paris, 1982, n°36) révèle une écriture identique. Il en est de même de la lettre de l’artiste conservée dans cette même collection (Inv. n°7423). Schouman donnait en particulier à ses « h » et ses « s » une forme caractéristique.
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