Paysage

Charles-François DAUBIGNY
XIXe siècle
31 x 48,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat par la Ville à M. Ernest Hareux le 10 août 1893

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« Daubigny […], avec sa bonhomie bourgeoise, son innocence de la composition, hâta la révolution réaliste dans notre école. L’un des premiers, […], il alla dans les champs et copia le premier paysage venu. Un coin de rivière, une rangée de peupliers, des pommiers en fleurs, tout lui était bon. Et il ne trichait point, il peignait ce qu’il voyait, en cherchant pas de sujets hors de ce que lui offrait la réalité. […] Daubigny fut un défricheur, un maître[1]». Ce jugement d’Émile Zola, rédigé en 1878, juste après la mort de l’artiste, place clairement Daubigny dans le camp des précurseurs de l’impressionnisme. Sa peinture claire, attachée aux moindres variations de l’atmosphère, son habitude de peindre en plein air et surtout l’aspect non fini de certaines de ses compositions ne pouvaient que trouver un écho chez les artistes de la jeune génération, en particulier auprès de Monet. Né dans une famille d‘artistes, Daubigny se destine tout d’abord au paysage historique, tentant sans succès le Grand Prix de Rome dans cette discipline en 1837. Prenant ensuite ses distances avec les cadres institutionnels, il abandonne la tradition classique de recomposition de la nature en atelier pour travailler directement en plein air, face au motif, à la recherche du paysage pur. C’est dans la forêt de Fontainebleau, entre 1834 et 1846, puis plus tard dans la vallée de l’Oise, qu’il se confronte à la nature, s’intéressant particulièrement aux jeux de lumière qui modulent les ciels et aux reflets qui palpitent à la surface de l’eau. « Ses paysages ont une grâce et une fraîcheur qui fascinent tout d’abord. Ils transmettent tout de suite à l’âme du spectateur le sentiment originel dont ils sont pénétrés. Mais on dirait que cette qualité n’est obtenue par M. Daubigny qu’aux dépens du fini et de la perfection dans le détail », regrette Baudelaire[2]. Cette liberté dans le traitement pictural se retrouve dans sa production graphique où le trait se fait vif et synthétique, presque schématique, jouant sur les valeurs plus que sur les détails, comme dans cette feuille achetée par le musée au peintre dauphinois Ernest Hareux. Ce dessin figure dans la vente après décès de l’artiste en 1878, parmi les très nombreux lots de dessins en feuilles non détaillés, répertoriés dans le catalogue sous les n°590 à 671[3]. C’est durant son séjour en Isère en compagnie de Camille Corot, que la manière de Daubigny évolue vers plus de clarté et de synthèse. Tous deux sont venus rejoindre Auguste Ravier à Crémieux en 1852, mais Daubigny choisit de s’installer seul à Optevoz, pays qu’il trouve « très beau, très supérieur à Crémieux ». Il ajoute : « Ce sont des marécages et des fonds magnifique[4]». C’est d’ailleurs probablement au cours de ce séjour que ce dessin a été réalisé. La technique, ce crayon Conté modulé, et la configuration des lieux avec ces terrasses arides et ce chemin creux, sont très proches des dessins réalisés par l’artiste au cours de ce séjour. « Je fais quelques dessins car je ne retournerai pas de sitôt dans ces pays qui sont d’un caractère tout opposé à ce que nous voyons tous les jours » confie-t-il dans une lettre[5]. L’artiste tirera de ce site dauphinois plusieurs tableaux, Le Marais d’Optevoz en 1852, l’Écluse dans la Vallée d’Optevoz (Musée des Beaux-Arts de Rouen) en 1855 ou encore La Vallée d’Optevoz (Salon de 1857), qui lui vaudront un certain succès.


[1] Émile Zola, « L’École française de peinture en 1878 », dans Les Lettres de Paris, rééd. dans Écrits sur l’Art, Paris, Gallimard, 1991, p.368.
[2] Charles Baudelaire, « « Salon de 1859, VII, Le paysage », Écrits sur l’art, Paris, Librairie Générale Française, 1992 et 1999, p.418-419.
[3] Catalogue de la vente qui aura lieu par suite du décès de C.-F. Daubigny […], Paris, 4 et 5 mai 1878, p.79 à 85.
[4] Cit. dans Jean Laran, L’Art de notre temps, Daubigny, Paris, 1912, p.39.
[5] Ibid., p. 40.

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