Paysage de montagne près de Glarus, en Suisse

Jan HACKAERT
1655
Plume et encre brune, lavis d'encres brune et grise, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème
25,4 x 19,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1826)

Voir sur navigart

L’attribution à Jan Hackaert sous laquelle ce dessin est entré dans la collection est tout à fait correcte. Si la signature en est peut-être aussi peu autographe que celle que porte le dessin de Gillis Neyts (MG D 995), cette belle feuille revient quant à elle incontestablement à l’artiste hollandais.
Dans le dessin de dimensions comparables, Route et chalet au pied de montagnes boisées conservé au musée du Louvre[1], on trouve un traitement fort similaire, en petits pointillés, de la végétation et des montagnes dans le lointain. Les feuillages au premier plan et au plan médian présentent eux aussi de grandes similitudes avec ceux du dessin de Grenoble, de même que la traduction schématique des sapins sur les lignes de crêtes. Les clôtures, enfin, sont exécutées dans les deux feuilles avec la même assurance de trait. Lorsque Frits Lugt attribua à Jan Hackaert le dessin du Louvre, jusqu’alors conservé sous le nom de Jan Both[2], il se fondait sur l’existence d’une version peinte et signée de l’artiste et sur la technique qu’il appelait à juste titre « pointue », qualificatif qui s’applique parfaitement à celle que l’artiste emploie dans le dessin de Grenoble[3]. Installé sur le Keizergracht à Amsterdam à partir de 1658, le peintre, dessinateur et graveur Jan Hackaert fait une belle carrière dans sa spécialité du paysage italianisant et topographique. En 1655, il est sollicité, avec douze autres grands dessinateurs de paysages, par Laurens van der Hem pour réaliser le magnifique Atlas Major[4]. On lui confie des vues de Suisse où il ne passe pas moins de quatorze mois. Hackaert avait déjà voyagé dans les contrées helvétiques en 1653[5] mais c’est de son second périple que date notre feuille. Une autre version, passée en vente en 2005 (Londres, Sotheby's, 8 décembre 2005, n°2), présente en effet exactement la même vue et porte au verso une annotation documentant le site représenté : "zu Glarus". Si le catalogue de vente ne dit rien du caractère autographe ou apocryphe de cette inscription, il convient tout de même de la prendre au sérieux car Hackaert s’est bien rendu à Glarus, bourgade proche de Zurich, au début du mois de juin 1655. Il y réalise une vue panoramique de la petite ville au pied du mont Vorderglärnisch, dessin monumental et l’une de ses oeuvres graphiques les plus impressionnantes[6]. C’est peut-être depuis le chemin qui le mène au-dessus du village d’Ennetbühl qu’Hackaert a pu dessiner notre panorama.
La feuille passée en vente est de dimensions sensiblement plus petites que celle de Grenoble et présente une facture plus achevée. Les lavis accusés mettent les volumes et la profondeur de l’espace plus en valeur. Les feuillages sont plus travaillés : des coups de pinceau précisent les formes des feuilles au premier plan. En somme, ce second dessin est probablement une répétition, sans doute exécutée dans l’atelier, alors que le dessin de Grenoble a pu être réalisé sur le motif[7].


[1] Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc, 19,3 x 28 cm, Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques, Inv. 23248.
[2] Les dessins de Hackaert ont bien souvent été attribués à Both qui a peut-être été son maître et dont il a certainement copié des feuilles. Pour les relations entre les deux artistes, voir Stelling-Michaud, 1937, p. 261-273, et Bolten, 1967, p. 71-72 ; voir aussi Plomp, 1997, vol. II, n° 189, p. 183.
[3] Lugt, 1929, no 330, p. 47, ill.
[4] Cet atlas considérable (il ne compte pas moins de 46 volumes) est aujourd’hui conservé à Vienne, à l’Österreichische Nationalbibliothek. Voir Solar, 1981, p. 9-12 et surtout l’édition de l’atlas par Erlend de Groot et Van der Krogt, 1996-2008.
[5] Solar, 1981, vol. I, p. 9.
[6] Ibid., p. 38-40, et vol. de planches, pl. 10 ; voir aussi Solar, 1978, p. 43 et passim et Solar, 1985.
[7] Marian Bisanz-Prakken pense toutefois que le dessin conservé à l’Albertina, qui présente bien des similitudes techniques (dimensions, « style pointu » pour reprendre l’expression de Frits Lugt) avec la feuille grenobloise, a dû être exécuté de mémoire. Bisanz-Prakken, 1995, n° 84, p. 176, ill. p. 177.

Découvrez également...