Paysage de montagne près de Glarus, en Suisse

L’attribution à Jan Hackaert sous laquelle ce
dessin est entré dans la collection est tout à fait
correcte. Si la signature en est peut-être aussi
peu autographe que celle que porte le dessin
de Gillis Neyts (MG D 995), cette belle feuille
revient quant à elle incontestablement à l’artiste
hollandais.
Dans le dessin de dimensions comparables,
Route et chalet au pied de montagnes boisées
conservé au musée du Louvre[1], on trouve un
traitement fort similaire, en petits pointillés,
de la végétation et des montagnes dans le
lointain. Les feuillages au premier plan et au
plan médian présentent eux aussi de grandes
similitudes avec ceux du dessin de Grenoble,
de même que la traduction schématique des
sapins sur les lignes de crêtes. Les clôtures,
enfin, sont exécutées dans les deux feuilles avec
la même assurance de trait. Lorsque Frits Lugt
attribua à Jan Hackaert le dessin du Louvre,
jusqu’alors conservé sous le nom de Jan Both[2],
il se fondait sur l’existence d’une version
peinte et signée de l’artiste et sur la technique
qu’il appelait à juste titre « pointue », qualificatif
qui s’applique parfaitement à celle que
l’artiste emploie dans le dessin de Grenoble[3].
Installé sur le Keizergracht à Amsterdam à
partir de 1658, le peintre, dessinateur et graveur
Jan Hackaert fait une belle carrière dans
sa spécialité du paysage italianisant et topographique.
En 1655, il est sollicité, avec douze
autres grands dessinateurs de paysages, par
Laurens van der Hem pour réaliser le magnifique
Atlas Major[4]. On lui confie des vues
de Suisse où il ne passe pas moins de quatorze
mois. Hackaert avait déjà voyagé dans
les contrées helvétiques en 1653[5] mais c’est
de son second périple que date notre feuille.
Une autre version, passée en vente en 2005
(Londres, Sotheby's, 8 décembre 2005, n°2), présente en effet exactement la
même vue et porte au verso une annotation documentant le site représenté : "zu Glarus". Si
le catalogue de vente ne dit rien du caractère
autographe ou apocryphe de cette inscription,
il convient tout de même de la prendre au
sérieux car Hackaert s’est bien rendu à Glarus,
bourgade proche de Zurich, au début du mois
de juin 1655. Il y réalise une vue panoramique
de la petite ville au pied du mont Vorderglärnisch,
dessin monumental et l’une de ses
oeuvres graphiques les plus impressionnantes[6].
C’est peut-être depuis le chemin qui le mène
au-dessus du village d’Ennetbühl qu’Hackaert
a pu dessiner notre panorama.
La feuille passée en vente est de dimensions
sensiblement plus petites que celle de Grenoble
et présente une facture plus achevée. Les
lavis accusés mettent les volumes et la profondeur
de l’espace plus en valeur. Les feuillages
sont plus travaillés : des coups de pinceau précisent
les formes des feuilles au premier plan.
En somme, ce second dessin est probablement
une répétition, sans doute exécutée dans l’atelier,
alors que le dessin de Grenoble a pu être
réalisé sur le motif[7].
[1] Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc, 19,3 x 28 cm, Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques, Inv. 23248.
[2] Les dessins de Hackaert ont bien souvent été attribués à Both qui a peut-être été son maître et dont il a certainement copié des feuilles. Pour les relations entre les deux artistes, voir Stelling-Michaud, 1937, p. 261-273, et Bolten, 1967, p. 71-72 ; voir aussi Plomp, 1997, vol. II, n° 189, p. 183.
[3] Lugt, 1929, no 330, p. 47, ill.
[4] Cet atlas considérable (il ne compte pas moins de 46 volumes) est aujourd’hui conservé à Vienne, à l’Österreichische Nationalbibliothek. Voir Solar, 1981, p. 9-12 et surtout l’édition de l’atlas par Erlend de Groot et Van der Krogt, 1996-2008.
[5] Solar, 1981, vol. I, p. 9.
[6] Ibid., p. 38-40, et vol. de planches, pl. 10 ; voir aussi Solar, 1978, p. 43 et passim et Solar, 1985.
[7] Marian Bisanz-Prakken pense toutefois que le dessin conservé à l’Albertina, qui présente bien des similitudes techniques (dimensions, « style pointu » pour reprendre l’expression de Frits Lugt) avec la feuille grenobloise, a dû être exécuté de mémoire. Bisanz-Prakken, 1995, n° 84, p. 176, ill. p. 177.
Découvrez également...
-
Bracelet
IIe siècle - IIIe siècle -
Vierge en buste
XVIIe siècle -
Vase à anses fermées
fin XIXe siècle