Statenjacht près de la côte

Wigerus VITRINGA
début XVIIIe siècle
Plume et encres noire et brune, lavis d'encres brune et grise, aquarelle sur dessin sous-jacent à la pierre noire, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vélin à grain crème
11,9 x 17,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1961)

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Avec son mât unique, sa coque à fond plat, dont l’absence de quille est compensée par les dérives de chaque côté de l’embarcation, et enfin sa cabine à l’arrière, le navire représenté au centre de ce dessin est certainement un statenjacht, bateau de taille moyenne destiné au transport des voyageurs de qualité. Les deux grands trois-mâts à l’ancre que l’on aperçoit à l’horizon, ainsi que la barque emportant quatre personnages, indiquent que nous sommes dans une rade proche de la côte. Le statenjacht est en train de carguer ses voiles ou de les affaler, quittant ou s’approchant au contraire du point d’embarquement.
Cette feuille est entrée dans la collection de Grenoble sous une attribution au dessinateur Gerrit Groenewegen (Rotterdam, 1754-1826), dont la carrière commence dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les caractéristiques stylistiques du dessin ne s’apparentent toutefois ni aux esquisses de petit format, beaucoup moins finies, ni aux grandes aquarelles de l’artiste[1]. On reconnaît bien plus la main du peintre et dessinateur de marines Wigerus Vitringa, actif plus tôt dans le siècle et auteur de nombreuses feuilles très comparables à celle-ci. Le Smalschip s’approchant de la côte, dessin signé et daté « 1705 », conservé au National Maritime Museum de Greenwich, présente ainsi un traitement fort similaire des détails comme de la composition générale[2].
Wigerus Viringa naît dans une riche famille patricienne de Leeuwarden, capitale de la Frise. Son père est un grand avocat, secrétaire de la Haute Cour de justice frisonne. Wigerus et son frère Campegius vont tous deux à l’université où ils obtiennent un doctorat. Tandis que Campegius devient un éminent professeur de théologie, Wigerus, docteur en droit, s’installe comme juriste à Leeuwarden en 1678. Il doit alors déjà avoir suivi une instruction artistique, car ses premières oeuvres datent de 1675. En 1692, Vitringa est mentionné comme résidant dans la ville d’Alkmaar[3], où il devient membre de la guilde des peintres en 1696[4]. Il avait dû arriver à une date antérieure dans cette ville située à l’ouest d’Amsterdam, car son art dénote à ses débuts de fortes influences des peintres de marines amstellodamois et tout particulièrement de Ludolf Bakhuizen (1630-1708). De plus, un dessin de sa main, représentant l’abbaye d’Egmond, toute proche d’Alkmaar, est daté de 1689. La liste des membres de la guilde indique que Vitringa a quitté la confrérie en 1706 et un acte notarié de 1708 donne la probable explication à ce départ : « Sr. Wigerus Vitringa […] anciennement peintre en cette ville est empêché d’exercer son art en raison de sa vue affaiblie et donc de subvenir à ses besoins financiers[5]. » Ce document ne nous informe pas seulement de l’infirmité qui frappe alors Vitringa, mais aussi du fait que celui-ci vivait auparavant de ses revenus de peintre et dessinateur[6]. Contrairement à nombre de ses confrères hollandais du Siècle d’or, il n’avait donc pas à exercer un second métier parallèlement à son activité artistique. Vitringa retourne en Frise peu après l’établissement de cet acte et, bien qu’on l’y qualifie d’« ancien peintre », il produit encore des oeuvres et enseigne même son art au jeune Tako Jelgersma (1702-1795) qui dessine en 1721 un portrait de son maître. C’est durant cette dernière période d’activité de l’artiste qu’a été réalisée une seconde feuille de sa main conservée au musée de Grenoble (MG D 713). Signée et datée 1709, elle a figuré à l’exposition des dessins hollandais de la collection en 1977 et a pour particularité de présenter des personnages au premier plan, motif que Vitringa emploie rarement dans ses dessins de marines[7].


[1] Pour Groenewegen voir cat. exp. Rotterdam, 1977.
[2] Wigerus Vitringa, graphite et lavis gris, 13,7 x 18,9 cm, signé et daté : « 1705 », Greenwich, Londres, National Maritime Museum, Inv. PAD8471.
[3] Belonje, 1959, p. 161.
[4] Obreen, 1877-1887, II, p. 36.
[5] Belonje, op. cit, p. 35.
[6] On n’a par ailleurs aucune trace d’une quelconque activité juridique de Vitringa pendant ses années à Alkmaar ; voir Giltaij et Kelch, 1996, p. 403.
[7] Grenoble, Cholet, Chambéry, 1977, no 70, p. 44, repr.

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