L'Isère aux environs de Grenoble

En 1878, Johan Bartold Jongkind, après plusieurs séjours dans le Dauphiné à partir de 1871, s’installe définitivement en Isère, à La Côte-Saint-André, dans la maison de Jules Fesser, le fils de sa compagne Joséphine. Ce peintre de marines, habitué à la lumière changeante des ciels humides des régions septentrionales , se passionne alors pour les paysages montagnards, la campagne ponctuée de rares bâtisses, la vallée de la Bourbre et ses activités agricoles aux environs de Virieu, les sites de Balbins et La Côte-Saint-André, et enfin la ville de Grenoble. Il délaisse peu à peu la peinture à l’huile pour adopter presque exclusivement l’aquarelle qu’il pratique sur le motif, mêlant savamment les traits de crayon noir et gras aux couleurs lavées, dans des tonalités où les bleus et les verts dominent. « Les aquarelles du vieillard de la Côte-Saint-André sont peut-être plus jeunes que celles du début, et quoiqu’en dise la rue de la Boétie, les sites dauphinois valent les marines d’Honfleur », déclare Paul Signac en 1927[1]. Pour embrasser une plus grande portion d’espace, comme dans cette très belle feuille montrant l’entrée de Grenoble et les berges de l’Isère – avec en point de mire les pentes de la Bastille et la montagne du Saint-Eynard –, l’artiste use des pages centrales d’un carnet. Ce format très allongé dont il se sert à de nombreuses reprises pour traiter les sites de la région grenobloise renoue avec une tradition du panorama propre aux paysages hollandais du XVIIe siècle. La feuille est datée du « 12 septembre 1882 » pour la partie gauche et du « 14 septembre » pour la partie droite, donnant ainsi de précieuses indications sur la manière de procéder de Jongkind. Signac nous confirme cette méthode de travail qui, en déplaçant l’œil, élargit l’espace embrassé par l’aquarelle : « Il n’hésite pas, après avoir, du trottoir droit de la rue, dessiné les bâtisses du côté gauche, à traverser la rue pour dessiner les bâtisses du côté droit. Il évite ainsi les déformations trop anguleuses d’une perspective scientifique[2]. » L’artiste concentre ses effets sur la rive gauche et ses pentes montagneuses, et les bleus-violets de l’eau et du ciel viennent aussi souligner la silhouette de la montagne à la forme si caractéristique du Saint-Eynard. Il use de la réserve et de la couleur du papier beige pour rendre leurs teintes aux façades des vieilles maisons du quartier Saint-Laurent. Quant au quai de droite, l’artiste n’en garde que la longue traînée blanche de la route qui borde les berges de l’Isère. Des années après sa mort, en 1914, et à la demande de Jules Fesser à qui le musée a acheté cette aquarelle, ce quai prendra le nom de quai Jongkind, en hommage au peintre. Le musée de Grenoble possède vingt-six dessins et aquarelles de l’artiste, dont la plupart ont été réalisés dans le Dauphiné, deux carnets de croquis de Nevers de 1860 et 1870-1871 (Carnet de dessins. Nevers 1860 ; Carnet de dessins. Nevers 1870-71 ), ainsi qu’une palette et une boîte de couleurs.
[1] Paul Signac, Jongkind, Paris, 1927, p. 128.
[2] Ibid., p. 124.
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