(Sans titre)

Jan WILS (attribué à)
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

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Conservé à Grenoble sous une attribution à Jan Frans van Bloemen, ce dessin revient sans doute à Jan Wils, paysagiste actif à Haarlem. Un autre dessin de la collection lui est aussi attribué (MG D 1675). L’artiste voyage en Italie après avoir traversé la France, et Wurzbach mentionne, dans la collection du marchand Jan Pietersz Zomer (1641-1724) : « six dessins de Wils dessinés en France » d’après nature, une attribution à prendre au sérieux car Zomer connaît personnellement la famille Wils.
Le recto et le verso de ce dessin montrent un motif célèbre : il s’agit du pont de Francheville sur la Saône, au nord de Lyon, que les artistes hollandais représentent à de multiples reprises et qu’ils intègrent même parfois comme élément pittoresque dans leurs peintures[1]. Le très beau livre de Hans Buijs et Steen Alsteens sur les dessinateurs hollandais en France fait le point sur ce thème[2].
Deux dessins illustrant ce pont, l’un au British Museum (Department of Prints and Drawings, Inv. 1927, 0411.12) et l’autre au Fitzwilliam Museum de Cambridge (Inv. PD.276-1963), sont attribués depuis quelques années à Jan Wils. Le dessin londonien porte une vieille inscrip-tion « Wils » sur le verso alors que celui de Cambridge, annoté « du Jardin », était donné, il y a quelques années encore, à Jan Asselijn. Dessinées très librement au pinceau, jouant sur les nuances plus foncées ou plus claires du lavis pour évoquer les jeux de l’ombre et la lumière, ces deux feuilles sont très proches dans la technique du recto et du verso de Grenoble et de dimensions identiques. Des petites différences dans la représentation de Francheville dans les dessins de Grenoble, Londres et Cambridge laissent penser qu’ils ne sont peut-être pas tous réalisés d’après nature. La pratique consistant à réaliser une oeuvre devant le motif et de faire ensuite des répliques d’après le modèle original est expressément expliquée et conseillée, presque cent cinquante ans plus tard par le paysagiste Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819), dans son traité sur le paysage paru en 1800. Valenciennes demande aux artistes « […] une chose essentielle à laquelle vous devez surtout vous appliquer, c’est de vous habituer de bonne heure à faire des études de ressouvenir d’après celles que vous aurez faites journellement ». On peut supposer que cette pratique est déjà en vigueur vers 1655.
La spécificité de la feuille étudiée ici, c’est de présenter les deux côtés du pont et les deux rives, l’une avec le château et l’autre avec la maison isolée à l’entrée du pont. Le verso ne présente d’ailleurs pas le même stade d’achèvement que le recto et Wils semble avoir rapidement abandonné cette vue, commencée trop haut sur la feuille, laissant ainsi plus d’importance à l’eau par rapport au ciel.
Cette attribution à Wils est sans doute juste car le Gemeente Archief de Haarlem conserve une Ruine de la maison de Cleef, signée de Wils et datée de 1646 dont le style au pinceau – notamment la manière de rendre les pierres – est très proche de ces vues, ce qui rend plausible l’attribution.
Wils voyage en France au milieu des années 1650, en compagnie d’un autre artiste hollandais, promis d’ailleurs à un grand avenir en Italie, Dirck Helmbreker. Ce fait estrapporté par Filippo Baldinucci dans ses Notizie, et repris par de nombreux auteurs au XVIIIe siècle, comme Dezallier d’Argenville dans sa vie de Helmbreker[3]. Il reste à se demander si ce Giovanni Viltz, cité par le biographe italien Baldinucci, n’est pas le fils de Jan Wils car ce dernier, né en 1600, aurait donc entamé un voyage en Italie à une cinquantaine d’années ce qui est inhabituel. L’hypothèse d’attribuer ces vues du pont de Francheville à Wils Fils demeure très fragile car on ne sait rien sur sa carrière artistique. En outre, la qualité de ces oeuvres est celle d’un artiste confirmé qui aurait suscité probablement une certaine attention.


[1] Citons par exemple une peinture d’Adam Pynacker, collection Earl of Crawford and Balcarres, Colinsburgh (en prêt à la National Gallery of Scotland, Édimbourg).
[2] Buijs et Alsteens, 2008.
[3] Dézallier d’Argenville, 1762, III, p. 168-171.

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