Bergers et animaux au pâturage
Dans leur Geschiedenis der Vaderlandsche
Schilderkunst[1], paru en 1840 à Haarlem
(volume III), Roeland van Eijnden et Adriaan
van der Willigen louent chez Stokvisch les
natuurlijke en fraaije teekeningen (« les dessins
si naturels et si spontanés »). C’est cette immédiateté
et cette fraîcheur, si caractéristiques
de ses oeuvres, qui nous invitent à proposer
son nom pour ce dessin, autrefois attribué à
« Mommers, école de Berchem ».
Tracés à l’aide d’un crayon de sanguine très
pointu, les paysages arcadiens de Nicolas Berchem
et de ses élèves sont en effet le modèle
à suivre pour Stokvisch. Le traitement de ses
dessins est pourtant différent de celui de Berchem,
qui réserve la sanguine à des oeuvres très
schématiques. Stokvisch utilise souvent dans
ses dessins la sanguine et le lavis[2], mais cette
technique est absente du dessin de Grenoble.
Réalisée sans doute dans l’atelier, la feuille
de Stokvisch s’appuie sur des études d’après
nature. Le musée de Grenoble conserve plusieurs
dessins animaliers de l’artiste dont deux
autres, signés sous leur bon nom, montrent des
chèvres et des vaches (MG D 1783 et MG D 162).
Les dessins de l’artiste sont plutôt rares sur le
marché de l’art, et l’on peut imaginer que ces
différentes oeuvres ont été acquises ensemble
par Léonce Mesnard, avant d’être ensuite dispersées
dans la collection du musée sous les
noms les plus divers.
L’artiste n’a d’ailleurs pas uniquement dessiné
dans la nature mais aussi peint, comme le
révèle Koolhaas-Grosfeldt dans son exposition
consacrée au peintre Wouter van Troostwijk[3].
L’idée d’« observer la nature » et de faire des
esquisses à l’huile avant de retravailler les
paysages en atelier était largement répandue
dans la génération des artistes néoclassiques,
comme chez Simon Denis par exemple
(MG 1992-19-16). Stokvisch, élève de Johan Christoffel
Schultz (1749-1812), travaille depuis 1800 à Amsterdam et se spécialise dans les
paysages avec des bergers. Citons son Paysage
avec bergers et animaux près de Darthuizen au
Rijksmuseum à Amsterdam daté de 1814[4]. Il
est bien représenté dans les expositions temporaires
à Amsterdam entre 1810 et 1820 et
expose aussi ses paysages à La Haye en 1817
et en 1819. L’oeuvre de Stokvisch est aussi
un exemple significatif de la fortune critique
de l’art hollandais dans les Pays-Bas et de la
difficulté qu’ont les artistes des générations
suivantes à se défaire du Siècle d’or comme
exemple à suivre. Cela concerne tous les genres
mais surtout le paysage qui représente, dans la
première moitié du XIXe siècle aux Pays-Bas, le
tiers de la production dans les expositions de
peintres vivants[5].
Sans la signature Stokvisch sur le verso, il serait
difficile d’attribuer cette feuille et de la dater.
On peut en effet la situer autour de 1815, en
comparaison avec le tableau du Rijksmuseum
à Amsterdam qui date de cette période[6].
Nos connaissances sur les artistes hollandais
actifs vers 1800 demeurent encore très
lacunaires alors que des efforts sont entrepris
depuis quelques décennies seulement pour
mieux comprendre l’art de cette période. Cela
est d’autant plus dommage que les collections
d’arts graphiques françaises conservent de
nombreux dessins hollandais du XVIIIe siècle et
du début du XIXe siècle, très variés et de très
belle qualité, qui sont pour la plupart totalement
ignorés. Souvent, ces oeuvres ont été
acquises au cours des XVIIIe et XIXe siècles sous
des noms prestigieux d’artistes du Siècle d’or
hollandais.
[1] "Histoire de la peinture patriotique".
[2] Voir par exemple son Berger dans un paysage vendu à Amsterdam chez Christie’s, le 14 novembre 1994, n°210.
[3] Koolhaas, Grosfeld, 1998, p. 36.
[4] Amsterdam, Rijksmuseum, 1976, p. 526, repr.
[5] Voir Hoogenboom, 1997-1998, p. 87.
[6] Voir note 2.
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