Vierge de l'Assomption (Etude d'une figure pour la décoration de l'église de la Trinité à Paris)

Jules Elie DELAUNAY
1864
44,5 x 26,7 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Envoi de l'Etat en 1893 selon les dispositions testamentaires de l'artiste

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Originaire de Nantes, Jules Élie Delaunay fait une brillante carrière parisienne de peintre histoire et de décorateur sous le Second Empire et la Troisième République, franchissant avec brio toutes les étapes du cursus académique avant de récolter une moisson de récompenses et de commandes officielles. Après avoir intégré l’atelier d’Hippolyte Flandrin, il entre à l’École nationale des beaux-arts en 1848 et prépare assidument le Prix de Rome dont il est lauréat en 1856. Son séjour italien de 1857 à 1861 parachève sa formation et le marque durablement, en particulier les œuvres de Raphaël dont il n’hésite pas à s’inspirer dans ses propres compositions. Léon Lagrange résume assez bien son talent : « M. Delaunay a déguisé sous des réminiscences raphaélesques l’allégorie banale des discours officiels [1]. » Dans le Paris reconfiguré par le baron Haussmann, les constructions d’édifices publics et religieux sont légion, offrant aux artistes de nombreuses occasions d’exercer leur talent de décorateur. Comme Félix Barrias ou Paul Baudry, Jules Élie Delaunay ne dédaigne pas cette manne, à la fois source de revenus et tribune où défendre son talent. Il participe aux chantiers de l’Opéra de Paris en 1863 – pour les peintures du grand foyer –, du Conseil d’État en 1873 et du Panthéon en 1874 (voir le dessin Torse de rameur _ du même artiste). Sa plus importante commande religieuse lui est confiée en 1864 par Théodore Ballu, architecte de la nouvelle église de la Trinité, dans le 9e arrondissement de Paris. Aux côtés d’Émile Lévy, il est chargé de décorer la chapelle de l’Assomption de la Vierge. Le grand dessin sur calque du musée de Grenoble est une des très nombreuses études réalisées par l’artiste pour la figure de la Vierge, les bras et le regard levés vers le ciel. Cette attitude de la Vierge comme le schéma général de composition de l’œuvre finale sont directement inspirés de _La Transfiguration [2] de Raphaël (1518), mais doivent aussi beaucoup à L’Assomption de Titien de l’église des Frari à Venise. Le nombre important de dessins préparatoires pour cette œuvre, caractéristique de la méthode académique, laisse entrevoir les difficultés de l’artiste à fixer définitivement la position des bras et le drapé du manteau de la Vierge. Les premiers croquis, de taille modeste, au crayon graphite puis à la plume et à l’encre brune, sur papier blanc, bleu ou encore sur calque, rapides et enlevés, où l’artiste étudie la Vierge dans son cortège d’anges [3], laissent bientôt place à des feuilles plus importantes où l’attention de l’artiste se concentre sur la figure de Marie seule [4]. C’est à ce dernier ensemble qu’appartient le dessin de Grenoble, où les repentirs sont nombreux. Il est à rapprocher du dessin plus abouti sur papier brun rehaussé de gouache – moins souple dans son traitement et un peu figé – du musée d’Orsay où la Vierge arbore une attitude triomphante, accentuée par le geste dynamique des bras dressés en « V ». L’artiste ne conservera dans la composition finale ni le geste des bras, ni la position du corps, ni le drapé. Il optera pour un léger contrapposto, en appui sur la jambe gauche, un drapé à l’antique posé sur le bras gauche à peine levé et un bras droit dressé vers le ciel. Mais à chaque étape, le calque lui permet de garder en mémoire les essais précédents et d’approcher par de légers changements de détails la forme définitive de sa composition. Ce dessin fait partie de l’ensemble de dix-neuf feuilles (voir _Figure d'homme soulevant une pièce de bois _ et _Torse de rameur _), envoyés par l’État au musée de Grenoble en 1893 et 1898, selon les dispositions testamentaires de l’artiste.


[1] Léon Lagrange, « Bulletin mensuel », La Gazette des beaux-arts, 1865, avril, p. 487-488.
[2] Conservé à la Pinacothèque du Vatican.
[3] Nantes, musée des Beaux-Arts, inv. 5479, inv. 5485, inv. 5483, inv. 5484, inv. 5485, inv. 5487, inv. 5490, inv. 5491, inv. 5492.
[4] Nantes, musée des Beaux-Arts, inv. 5471, inv. 5472 et inv. 5473, Paris, École nationale des beaux-arts, inv. EBA 805 (tous ces dessins sont sur calque) et Paris, musée d’Orsay, conservé au département des Arts graphiques du Louvre, RF 1807 Ro. Il existe d’autres dessins d’ensemble à Nantes et au musée d’Orsay.

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