Paysage

Depuis son entrée au musée de Grenoble, ce
dessin est attribué à Jan Griffier (1652-1718)
ou à son fils Robert, paysagistes hollandais
actifs en Angleterre à la fin du xviie et au début
du XVIIIe siècle et tous deux imitateurs d’Herman
Saftleven. En fait, le dessin revient incontestablement
à Herman Saftleven lui-même.
Dezallier d’Argenville écrit à propos des dessins
de cet artiste : « Ses desseins au crayon
noir sont estimés, étant d’une touche ferme &
hardie ; ce sont presque tous des vûes du Rhin.
Sa manière un peu ronde de feuiller les arbres,
est ce qui les fera connoître[1]. »
Né à Rotterdam et frère cadet de Cornelis
(MG D 169), Herman Saftleven s’installe en 1632
à Utrecht où il vit jusqu’à sa mort. L’artiste y
occupe des fonctions officielles à la guilde de
Saint-Luc et figure parmi les peintres respectés
de la ville qu’il dessine d’ailleurs à de multiples
reprises. Paysagiste reconnu, il s’est aussi
essayé à d’autres genres : vers 1635, il peint
quelques intérieurs d’étables avec des paysans
et, beaucoup plus tard, à la fin des années 1670,
il aborde un tout nouveau sujet en réalisant de
magnifiques études de plantes aquarellées.
L’artiste doit sa célébrité à ses peintures et à
ses vues fluviales et devient un véritable spécialiste
renommé dans ce genre (on l’appelle
souvent Rijnstroomschilder[2]). Il influence
jusqu’au XIXe siècle les artistes allemands et
anglais. Le célèbre poète Joost van den Vondel
(1587-1679) loue dans son Hollantse Parnas
paru en 1660 les vues du Rhin de Saftleven,
traitées d’une manière si naturelle que même
la nature "se tait".
Dans les années 1640 et 1650, Saftleven voyage
dans la vallée du Rhin inférieur, moyen et supérieur,
et peut-être aussi au bord de la Moselle.
Il est impossible de préciser la date de ce ou de
ces voyages car il peut avoir séjourné à plusieurs
reprises dans des régions voisines de la Hollande
et facilement accessibles par bateau.
Le dessin de Grenoble est l’une de ses innombrables
vues de fleuve inspirées du Rhin. La
vue plongeante montre une embarcation, tandis
qu’à l’arrière on distingue une ruine. Des
collines boisées encadrent le site et le mettent
en valeur. De retour dans son atelier avec ses
dessins réalisés d’après nature, l’artiste les utilise
pour de nombreux tableaux qui peuvent
prendre un caractère plus ou moins proche
de la réalité. Le dessin de Grenoble convainc
par son réalisme et date vraisemblablement
des années 1650, par comparaison avec la Vue
du Rhin conservée dans une collection particulière
que Schulz considère peut-être comme
une esquisse de voyage[3].
Une peinture sur cuivre, signée et datée de
1669 et représentant le château de Marksburg
près de Braubach dans la vallée du Rhin, est
une vue très dramatisée de ce célèbre site[4]
alors que la Vue de Bad Breisig, datée de 1650[5]
correspond bien plus à la réalité. Rencontrant
incontestablement un grand succès commercial
avec ses vues du Rhin, l’artiste se plaît à
inventer de nouvelles mises en pages.
[1] Dezallier d’Argenville, 1762, III, p. 127.
[2] Peintres représentant le Rhin.
[3] Schulz, 1982, n° 701, ill. 147.
[4] Vente Sotheby’s, Monaco, 21 juin 1991, n° 131.
[5] Vente Sotheby’s, Londres, 24 septembre 2003, n° 140.
Découvrez également...
-
Statuette de cavalier
fin XIXe siècle -
Running Fence
1976 -
Bonjour!
1980