Portrait de jeune fille

Henri Lucien DOUCET dit Lucien DOUCET
XIXe siècle
Fusain et rehauts de craie blanche sur papier vergé verdatre
37 x 28 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Mode et date d'entrée inconnus

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Conservé par erreur sous le nom d’Ernest Hébert, ce Portrait de jeune femme doit être rendu à son contemporain et ami Lucien Doucet. En effet, cette feuille porte en bas à gauche le tampon de la vente après décès de l’artiste qui s’est tenue à Paris les 11 et 12 mai 1896. La confusion entre les deux vient peut-être du fait qu’Hébert, comme de nombreux peintres de l’entourage de Doucet – tels Jules Breton ou Léon Bonnat – touchés par sa mort prématurée, souhaitent apporter leur concours à cette vente en y ajoutant des œuvres de leur main. Pourtant, cette feuille figure bien dans le catalogue parmi les nombreux dessins de Lucien Doucet, soit sous le n° 152 (Tête de jeune fille, fusain), soit sous les n° 156 ou 157 (Tête de jeune femme, profil, crayon)[1]. Il pourrait s’agir enfin du Profil de Romaine au fusain, inscrit sous le n° 178. Amédée Pigeon, rendant compte de l’événement dans La Gazette des beaux-arts souligne la prééminence de figures féminines dans la production de l’artiste : « De nombreux portraits de femmes, les uns esquissés seulement, d’autres achevés et souriants dans leur cadre, révèlent l’étude attentive du visage de la femme, l’amour de sa beauté, le souci d’étudier ses pensées et le reflet de ces pensées dans les yeux, tout un art délicat et charmant qui fut bien vite compris[2]. » Élève de Gustave Boulanger et de Jules Lefebvre à partir de 1874 à l’École des beaux-arts, Lucien Doucet est avant tout un peintre mondain, connu pour ses scènes de genre peuplées d’élégantes et ses portraits du Tout-Paris, Robert de Montesquiou et la princesse Mathilde, dont il est le professeur de dessin. Il interrompt sa formation en 1877 pour travailler un an à New York et expose Un page au XVIIIe siècle à la National Academy of Design. L’année suivante, Tête de fille constitue sa dernière apparition dans une manifestation new-yorkaise[3]. Il obtient le Grand Prix de Rome en 1880 avec Reconnaissance d’Ulysse et de Télémaque et séjourne en Italie de 1881 à 1884. Ses envois sont remarqués, puisque l’Institut refuse d’exposer certains de ses tableaux dont l’inspiration est jugée trop hardie, notamment son Harem et sa Bérénice, tirée d’un texte d’Edgar Poe. Mais c’est au Salon de 1884 qu’il connaît un premier succès, avec le Portrait de Mme Galli-Marié en Carmen, toile qui fait sensation. De retour en France, il s’adonne plus particulièrement au pastel et perd peu à peu de sa hardiesse. Le dessin du musée de Grenoble permet en tout cas de se faire une idée de son talent de portraitiste. Ce visage de femme au profil fier, qui se prête docilement à l’exercice de la pose, est peut-être une dame de compagnie de la princesse Mathilde ou une jeune fille de l’entourage de l’artiste. Le profil est très marqué, comme dessiné en ombre chinoise. Le dessin fait de traits gras, habilement estompés, joue à merveille sur la réserve du papier pour créer de la lumière. La représentation de profil donne un caractère noble au visage. Les cheveux du modèle, relevés en chignon, dégagent la nuque et laissent place à l’épais col de sa robe. Dans la chevelure, chaque cheveu semble dessiné, longs traits sombres se détachant sur la masse obscure du chignon, estompé au doigt. Le tracé gras du fusain traduit bien la texture épaisse de l’étoffe de son grand col, semblable à de l’astrakan, très prisé au XIXe siècle. Le style enlevé d’un dessin réalisé sur le vif, avec ses trais énergiques et sombres brossant rapidement le costume et la coiffure, contraste avec la délicatesse de traitement du visage.


[1] Catalogue des tableaux, études, pastels, aquarelles et dessins par Lucien Doucet […], galerie Georges Petit, […], les lundi 11 et Mardi 12 Mai 1896, Paris, 1896.
[2] Amédée Pigeon, « Exposition de tableaux provenant de l’Atelier de Lucien Doucet », La Chronique des Arts et de la Curiosité, Supplément à la Gazette des beaux-arts, n° 19, Paris, 1896, p. 170.
[3] David Karel, et al., Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, photographes et orfèvres, Québec, Musée du Québec/Presses de l’Université Laval, 1992, p. 247.

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