Combat de cavalerie
Dès son plus jeune âge, Charles Parrocel se forma à la peinture de sujet de guerre dans l’atelier de son père Joseph Parrocel. À la mort de ce dernier en 1704, il poursuivit sa formation chez son parrain Charles de La Fosse mais le goût pour la chose militaire était si vif chez le jeune artiste qu’il s’engagea vers 1706 dans la cavalerie. Il retint de cette expérience une connaissance particulièrement précise des pratiques militaires, des uniformes et de l’anatomie du cheval. Il réalisa, quelques années plus tard, plusieurs dessins pour l’illustration de l’ouvrage de François Robichon de la Guérinière, L’École de cavalerie (Paris, 1733).
Après avoir tenté le prix de Rome sans succès en 1709, il décida de partir pour l’Italie à ses frais en 1712. Il resta à Rome jusqu’en 1716, fréquentant étroitement le milieu de l’Académie de France à Rome, avant de s’installer à Venise pour 4 ans. De retour à Paris, il fut agréé et reçu à l’Académie le même jour, le 22 février 1721. Il mena alors une brillante carrière, exposant plusieurs fois aux Salons. Il monta dans la hiérarchie de l’Académie royale et devint professeur en 1745.
Charles Parrocel fut un dessinateur aussi talentueux que prolifique. Ainsi que le notait Pierre-Jean Mariette : « on peut compter ses tableaux, tant ils sont en petit nombre ; il a fait une plus grande quantité de desseins […] et dans ce nombre on en voit de toute beauté[1] » . On en recense aujourd’hui plus de deux cents cinquante , rassemblant principalement des sujets de guerre ou des scènes de la vie sociale. Charles Parrocel laissa également beaucoup d’études de silhouettes, de visages et de mains.
La feuille du musée de Grenoble ne représente pas une bataille précise : il s’agit d’une étude de composition sur le thème générique de la charge de cavalerie. Chez Charles Parrocel, de telles esquisses sont rarement préparatoires à une peinture précise. Elles sont le résultat de la libre imagination du peintre, sans autre ambition que le plaisir du dessin et par la suite la délectation de l’amateur de belles feuilles.
Charles Parrocel possède une technique graphique très variée et très maîtrisée. Pour les sujets de bataille comme ici, Parrocel utilisait le plus volontiers la plume et l’encre brune lavées de brun ou de gris. Un dessin très proche par la composition et la technique se trouve au Nationalmuseum de Stockholm . Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville écrit dans sa notice qu’il consacre à l’artiste : « Tous les soirs, il faisait un dessin bien arrêté ; ordinairement le trait était à la plume, et ombré avec du bistre ou de l’encre de la Chine. Il disait que l’imagination d’un peintre se remplissait d’idées, qu’elle prenait feu, qu’elle s’enflammait, et que c’était là l’enthousiasme qui produit les belles choses. » Les dessins à l’encre se caractérisent en effet par la multiplication des taches créant presque un effet de dissolution de la forme dans l’éclatement des lignes. La recherche du mouvement, de l’expressivité et de la suggestion de la vitesse, a supplanté tout souci de description minutieuse. La forme est allusive mais toujours juste, en particulier dans l’équilibre des corps et le balancement des gestes. Les images de bataille imaginées par Charles Parrocel séduisent par la liberté de l’écriture, la nervosité du trait et la savante confusion des formes.
[1] Mariette, 1857-1858, t. 4, p. 83.