Italienne en costume typique (Sorrente)

Dominique Louis Ferréol PAPETY
XIXe siècle
Pinceau et encre noire, lavis d'encre noire, aquarelle et gouache sur papier vélin crème épais
22,3 x 15,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3555, n°1211)

Voir sur navigart

« Personne autant que lui n’a tiré parti des beautés de la campagne romaine » dira Ernest Hébert de son ami Dominique Papety en 1905, plus de cinquante ans après la mort de ce dernier. Hébert évoque alors ses souvenirs de leur jeunesse commune à Rome – alors qu’ils sont tous deux pensionnaires à la Villa Médicis –, pour les besoins de la biographie de Papety que rédige Ferdinand Servian en 1912[1]. Ces beautés de la campagne romaine dont il parle ne sont pas les panoramas accidentés, parsemés de villages perchés où se nichent encore quelques ruines antiques ou médiévales, qui confèrent aux alentours de Rome un attrait certain pour les paysagistes, mais bien les femmes et les hommes du petit peuple du Latium, ces Ciociari dont Papety multiplie les représentations dans de petites feuilles rehaussées d’aquarelle. Très prisées des touristes, ces planches folkloriques mettent en scène un seul personnage debout ou assis, dans une pose conventionnelle. Le musée du Louvre conserve ainsi une très belle aquarelle d’une Femme de Procida assise, dont les atours somptueux disent plus la femme aisée que la paysanne[2]. Parfois, comme dans les planches du musée Hébert à Paris montrant des paysans et des musiciens, ces études individuelles sont réunies dans un montage encadré[3]. « Quand il se borne à mettre en relief les particularités des types et le pittoresque des costumes, il devient un biographe disert » nous confirme Ferdinand Servian[4]. Cet intérêt pour les caractéristiques vestimentaires de chaque bourg des environs de Rome comme Albano (MG D 1146 ) ou Sonnino (MG D 1145 ) s’étend à d’autres régions de l’Italie explorées par l’artiste, en particulier Naples où Papety se rend à pied en 1839 avec ses amis. Il visite à cette occasion Sorrente et Ischia dont il rapporte des études de costumes dans le même esprit. C’est le cas de cette jeune Italienne en costume typique, assise à l’ombre d’un arbre et le bras reposant sur un muret surplombant la campagne, vêtue d’un costume de Sorrente, sur la côte amalfitaine. Elle porte un corsage cintré de velours rouge, richement orné de passementeries dorées sur les épaules et le dos. Les manches ajustées s’arrêtent au coude et laissent entrevoir une chemise blanche, dont les poignets sont brodés de fils rouges. Son ample jupe bleu turquin, teintée à l’indigo, est recouverte sur le devant d’un tablier. Elle tient à la main un bouquet ou un chapeau orné de fleurs. Sa coiffure, en deux bandeaux séparés, se termine en un chignon noué d’un grand ruban rouge. On retrouve un costume identique dans une aquarelle montrant une femme de Sorrente, œuvre de l’école napolitaine du XIXe siècle, datée vers 1860 et passée en vente à la galerie Laurencin[5]. Si le visage de la jeune fille est plus un type qu’un portrait, Papety porte ici un réel intérêt à la précision ethnographique du costume. Cette préoccupation d’exactitude en ce qui concerne le vêtement traditionnel se lit aussi dans la correspondance qu’il adresse à ses parents durant son séjour. Ainsi, dans une lettre de juin 1837, à propos de Castel-Gandolfo, Papety note : « Une charmante ragazza en costume du pays : portant un corsage de velours rouge, brodé d’argent, un pan de mousseline blanche, une robe jaune avec le bas de velours noir avec un joli tablier de fleurs très vives comme le portent les femmes en Italie[6] ». Loin d’être saisie sur le vif, cette aquarelle, comme toutes les autres feuilles du genre, résulte de la pose d’un modèle. À Rome, ayant compris la fascination des artistes pour leurs atours et leur physionomie, nombre de paysans et de gens du petit peuple attendent patiemment devant la villa Médicis qu’un artiste les invite à prendre la pose contre quelques pièces. Cette pratique s’est sans doute étendue aux autres régions visitées par les peintres, car rien ne distingue vraiment les études de costumes romains de celles réalisées dans les autres aires de la Péninsule. Outre ces trois études de costumes italiens à l’aquarelle et l’imposante _Femme italienne jouant du tambourin _ , le musée de Grenoble conserve dans ses collections trois autres feuilles : une _Étude de barque sur le Nil _, préparatoire pour Memphis, tableau que l’artiste présente au Salon en 1845, un _Baiser _ ainsi qu’un _Homme en costume d’apparat _[7]. Tous ces dessins proviennent de la collection de Léonce Mesnard.


[1] Lettre du 20 décembre 1905 adressé par Hébert à Ferdinand Servian, cit. dans Servian, op. cit., p. 66
[2] RF 827, Ro.
[3] Joueur de zampogna molisaine, Joueuse de tambourin à cymbales et Joueur de mandoline, Paris, musée Hébert, MNEH 2009-2-1 à 3.
[4] Servian, op. cit., p. 66.
[5] Laurencin, estampes et dessins, École napolitaine du XIXe siècle, Costumes napolitains, B. Sorrento, vers 1860, 250 €, http://wwwcano.lagravure.com/ecolenapolitaine.html.
[6] Cité par Amprimoz, p. 215.
[7] _Étude de barque sur le Nil
, MG D 1147, Le Baiser, MG D 1144, Homme en costume d’apparat, MG D 1149.

Découvrez également...