Figure assise tournée vers la gauche, tenant un pinceau

La clef de l’interprétation de ce dessin, que
Mesnard attribuait à Giovanni da San Giovanni,
est fournie par l’annotation au verso, expliquant
qu’il s’agit d’une étude pour une des figures
peintes sur la façade de la Casa dell’Antella, sur la
place Santa Croce, à Florence. L’artiste, de quinze
ans plus âgé que Francesco Furini, qui séjourna
quelque temps avec lui à Rome (mai 1619/1620
– fin 1622), sans doute par intermittence,
manifesta très tôt son indépendance d’esprit et
son talent de narrateur de scènes champêtres ou
populaires, interprétant volontiers les sujets
religieux dans le sens d’une réalité quotidienne
immédiatement accessible, sur un ton vif et
sincère, évocateur de la vie florentine de son
époque. Sa carrière, interrompue par une mort
prématurée, s’acheva par son œuvre la plus
célèbre, le décor du salon monumental au rez-de-
chaussée du Palazzo Pitti, que l’on désigne
volontiers comme le Salon de Giovanni da San
Giovanni, bien qu’il n’en ait été que partiellement
l’auteur (voir notice du MG D 2143).
Dans la biographie de Giovanni da San
Giovanni, Baldinucci rappelle la grande entreprise
picturale de la décoration de la façade du
Palazzo dell’Antella, situé sur le côté droit de la
place de l’église Santa Croce, réalisée en deux
brèves campagnes de quelques jours, en 1619
et 1620. Giovanni y travailla avec un groupe de
treize artistes, dont Fabrizio Boschi (voir MG D 356),
dont les noms sont cités par Baldinucci.
Selon ce dernier, le projet d’ensemble de la
façade fut établi par l’architecte scénographe
Giulio Parigi, spécialisé dans les mises en scène
théâtrales, dont Giovanni da San Giovanni
suivit l’enseignement d’« architettura e prospettiva
». Cependant, l’historiographe ne parle de
cette œuvre qu’en liaison avec Giovanni da San
Giovanni ; l’existence d’un projet dessiné très
fini pour l’ensemble de la façade, dont Giovanni
est considéré comme l’auteur (GDSU 1088 E)[1], renforce l’idée que c’est à lui, et non à
Parigi, que revient la conception de la décoration
telle qu’elle fut peinte, notre artiste ayant
joué un rôle majeur dans l’exécution des
fresques.
La décoration fut conçue en cinq longs
bandeaux parallèles, comprenant de manière
continue des figures représentant des allégories
et des vertus, rythmées par des trophées, des guirlandes, des emblèmes soutenus par des
putti, et par les embrasures des fenêtres. L’identification
du dessin avec l’une des allégories de
la façade du Palazzo dell’Antella a été reprise
par C. Loisel, qui a établi le rapprochement
avec l’Allégorie de la Peinture, « la seule des
figures féminines assise de cette manière, les
pieds visibles ». Celle-ci est la deuxième en
partant de la droite dans le bandeau médian.
Malgré le mauvais état de conservation des
peintures et le peu de lisibilité du dessin
d’ensemble, qui rendent difficile la lecture des
diverses parties de la façade, ce rapprochement
est très convaincant.
En revanche, l’hypothèse avancée par l’auteur
(op. cit.) selon laquelle le dessinateur serait
Michelangelo Cinganeli, un des peintres cités
par Baldinucci, risque de créer plus de confusion
qu’elle n’éclaire le panorama du dessin
florentin dans les années 1620. On connaît en
effet peu d’exemples de dessins de Cinganelli,
et en tout cas aucun dessin de figure de ce type.
Certes, les études récentes ont remis en avant
le rôle de cet artiste dans l’histoire du grand
décor à fresque en Toscane dans ces années
(décor du Casino Mediceo). Le caractère
rustique de la figure dessinée n’est en rien en
contradiction avec le talent de Giovanni da San
Giovanni, habitué à dessiner à la pierre, noire
ou rouge orangé. Il est possible que certains
contours aient été accentués (en particulier
celui du bras gauche), peut-être même au
moment où le dessin a été utilisé lors de la
réalisation de la fresque, dans le désir de
synthétiser sur le papier les formes destinées à
être vues de loin, en raccourci. Selon toute
probabilité, c’est donc bien à Giovanni da San
Giovanni que revient le dessin de Grenoble,
tout comme l’étude de l’Allégorie de Méditation
(GDSU 9055 F).
La présence d’un buste en marbre du grand-duc
Cosimo II, au centre de cette immense façade, sur une des places les plus fréquentées et
chargées d’histoire florentine, est un signal du
caractère politique de cette œuvre, commandée
par le sénateur Donato dell’Antella, un homme
de la cour, lieutenant de l’Accademia del
Disegno. Giovanni avait reçu le privilège de
« familiare della corte » (familier de cour) en
même temps que Jacques Callot et Filippo
Napoletano. Ce dernier participa avec notre
artiste à la réalisation du décor de l’Antella.
Connu pour fare bene e presto, Giovanni da San
Giovanni avait réalisé auparavant de nombreuses
fresques de tabernacles, de lunettes de cloîtres,
de décors de chapelle et même d’une façade de
maison, Piazza della Calza, en face de la Porta
Romana : cette œuvre publique avait emporté
l’adhésion du public, d’abord heurté par
l’étrange comportement de l’artiste, qui avait
coutume de s’habiller all’impazzata.
[1] Pierre noire, plume, encre brune, lavis polychromes, rehauts de blanc sur papier assombri, 96,8 x 165 cm.
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