Figure assise tournée vers la gauche, tenant un pinceau

Giovanni MANNOZI dit Giovanni DA SAN GIOVANNI
XVIIe siècle
Pierre noire, sanguine, rehauts de craie blanche, trait d'encadrement à la pierre noire sur papier vergé bleu devenu gris doublé et coupé aux angles
17,2 x 26,2 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3551, n°1466)

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La clef de l’interprétation de ce dessin, que Mesnard attribuait à Giovanni da San Giovanni, est fournie par l’annotation au verso, expliquant qu’il s’agit d’une étude pour une des figures peintes sur la façade de la Casa dell’Antella, sur la place Santa Croce, à Florence. L’artiste, de quinze ans plus âgé que Francesco Furini, qui séjourna quelque temps avec lui à Rome (mai 1619/1620 – fin 1622), sans doute par intermittence, manifesta très tôt son indépendance d’esprit et son talent de narrateur de scènes champêtres ou populaires, interprétant volontiers les sujets religieux dans le sens d’une réalité quotidienne immédiatement accessible, sur un ton vif et sincère, évocateur de la vie florentine de son époque. Sa carrière, interrompue par une mort prématurée, s’acheva par son œuvre la plus célèbre, le décor du salon monumental au rez-de- chaussée du Palazzo Pitti, que l’on désigne volontiers comme le Salon de Giovanni da San Giovanni, bien qu’il n’en ait été que partiellement l’auteur (voir notice du MG D 2143). Dans la biographie de Giovanni da San Giovanni, Baldinucci rappelle la grande entreprise picturale de la décoration de la façade du Palazzo dell’Antella, situé sur le côté droit de la place de l’église Santa Croce, réalisée en deux brèves campagnes de quelques jours, en 1619 et 1620. Giovanni y travailla avec un groupe de treize artistes, dont Fabrizio Boschi (voir MG D 356), dont les noms sont cités par Baldinucci. Selon ce dernier, le projet d’ensemble de la façade fut établi par l’architecte scénographe Giulio Parigi, spécialisé dans les mises en scène théâtrales, dont Giovanni da San Giovanni suivit l’enseignement d’« architettura e prospettiva ». Cependant, l’historiographe ne parle de cette œuvre qu’en liaison avec Giovanni da San Giovanni ; l’existence d’un projet dessiné très fini pour l’ensemble de la façade, dont Giovanni est considéré comme l’auteur (GDSU 1088 E)[1], renforce l’idée que c’est à lui, et non à Parigi, que revient la conception de la décoration telle qu’elle fut peinte, notre artiste ayant joué un rôle majeur dans l’exécution des fresques.
La décoration fut conçue en cinq longs bandeaux parallèles, comprenant de manière continue des figures représentant des allégories et des vertus, rythmées par des trophées, des guirlandes, des emblèmes soutenus par des putti, et par les embrasures des fenêtres. L’identification du dessin avec l’une des allégories de la façade du Palazzo dell’Antella a été reprise par C. Loisel, qui a établi le rapprochement avec l’Allégorie de la Peinture, « la seule des figures féminines assise de cette manière, les pieds visibles ». Celle-ci est la deuxième en partant de la droite dans le bandeau médian. Malgré le mauvais état de conservation des peintures et le peu de lisibilité du dessin d’ensemble, qui rendent difficile la lecture des diverses parties de la façade, ce rapprochement est très convaincant.
En revanche, l’hypothèse avancée par l’auteur (op. cit.) selon laquelle le dessinateur serait Michelangelo Cinganeli, un des peintres cités par Baldinucci, risque de créer plus de confusion qu’elle n’éclaire le panorama du dessin florentin dans les années 1620. On connaît en effet peu d’exemples de dessins de Cinganelli, et en tout cas aucun dessin de figure de ce type. Certes, les études récentes ont remis en avant le rôle de cet artiste dans l’histoire du grand décor à fresque en Toscane dans ces années (décor du Casino Mediceo). Le caractère rustique de la figure dessinée n’est en rien en contradiction avec le talent de Giovanni da San Giovanni, habitué à dessiner à la pierre, noire ou rouge orangé. Il est possible que certains contours aient été accentués (en particulier celui du bras gauche), peut-être même au moment où le dessin a été utilisé lors de la réalisation de la fresque, dans le désir de synthétiser sur le papier les formes destinées à être vues de loin, en raccourci. Selon toute probabilité, c’est donc bien à Giovanni da San Giovanni que revient le dessin de Grenoble, tout comme l’étude de l’Allégorie de Méditation (GDSU 9055 F).
La présence d’un buste en marbre du grand-duc Cosimo II, au centre de cette immense façade, sur une des places les plus fréquentées et chargées d’histoire florentine, est un signal du caractère politique de cette œuvre, commandée par le sénateur Donato dell’Antella, un homme de la cour, lieutenant de l’Accademia del Disegno. Giovanni avait reçu le privilège de « familiare della corte » (familier de cour) en même temps que Jacques Callot et Filippo Napoletano. Ce dernier participa avec notre artiste à la réalisation du décor de l’Antella. Connu pour fare bene e presto, Giovanni da San Giovanni avait réalisé auparavant de nombreuses fresques de tabernacles, de lunettes de cloîtres, de décors de chapelle et même d’une façade de maison, Piazza della Calza, en face de la Porta Romana : cette œuvre publique avait emporté l’adhésion du public, d’abord heurté par l’étrange comportement de l’artiste, qui avait coutume de s’habiller all’impazzata.


[1] Pierre noire, plume, encre brune, lavis polychromes, rehauts de blanc sur papier assombri, 96,8 x 165 cm.

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