Etude pour une allégorie de la Terre

Domenico Maria CANUTI
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune sur un tracé à la sanguine sur papier vergé beige filigrané
13,2 x 19 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2943).

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Ce dessin a été rattaché à juste titre à un décor peint par le Bolonais Domenico Maria Canuti, dans la première salle de la bibliothèque du couvent de San Michele in Bosco à Bologne. Ce décor avait été commandé à l’artiste et au quadraturiste Giovanni Enrico Haffner par Taddeo Pepoli, abbé du couvent olivétain appartenant à une grande famille patricienne et mécène du peintre depuis de longues dates – Canuti avait notamment peint pour le palais familial de la via Castiglione le plafond de la grande salle représentant l’Apothéose d’Hercule. Les deux peintres signèrent le contrat le 1er décembre 1677. Les travaux s’étendirent jusqu’en septembre 1680 et portaient sur la décoration de plafonds de trois salles dont le programme iconographique avait été conçu et financé par le commanditaire. Le plafond de la première salle représentait les quatre tempéraments de l’homme, colérique, sanguin, flegmatique et mélancolique sous la forme de figures allégoriques dont les attributs et les attitudes sont dérivés de l’Iconologia de Cesare Ripa. Ces quatre figures reposent sur la calotte terrestre et semblent en surgir, signifiant par là la Concorde. La quadrature peinte par Haffner enserrant la fresque de Canuti prend la forme d’une étoile à huit branches reposant sur un tambour feint. Dans les quatre pendentifs qui le supportent, sont logées d’autres figures allégoriques représentant les quatre éléments. Le dessin de Grenoble prépare celui de la Terre sous les traits iconographiques de la Magna Mater, Cybèle, tenant le sceptre de son pouvoir de la main gauche, une corne d’abondance de la droite, image de la fertilité, et portant sur sa tête une tour crénelée. Des différences notables sont à souligner entre le dessin et la fresque. Elles portent notamment sur la forme de la tour qui, dans l’œuvre finale, prend une proportion telle qu’on se demande comment un objet pareil peut tenir sur une tête. La corne d’abondance est placée à un autre endroit, à main gauche ; le sceptre n’est plus figuré. Un enfant est ajouté qui présente à la Terre une grappe de raisins ainsi qu’un satyre qui, lui, est placé devant la corne d’abondance. Enfin, le point de vue est aussi modifié. Dans le dessin de Grenoble, celui-ci présente un fort da sotto in sù, si bien que la masse de la figure présente un fort raccourci. C’est d’ailleurs ce qui fait tout l’intérêt du dessin tant cette figure semble compressée, comme réduite à un pan étroit de draperie d’où surgissent une tête et des bras. Canuti n’avait peut-être pas pris en compte les distances entre les pendentifs et surtout l’emplacement idéal central du spectateur sous la coupole feinte, à partir duquel est établi le point de vue.
Canuti a dû réaliser pour ce décor un nombre considérable de dessins. Il ne reste que cette feuille ainsi qu’une étude d’ensemble conservée au musée des Beaux-Arts de Besançon, première pensée où se lit déjà la disposition définitive[1]. Chose rare, le contrat précisait la fourniture des « rames de papier bleu pour les cartons… et 1000 pointes pour clouer lesdits cartons sur les voûtes » (« risme di carta azzura per i cartoni… e 1000 punte per inchiodare dd.i cartoni sulle volte »), mais ne parle pas de modelli.


[1] Inv. 1670.

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