Etude pour une allégorie de la Terre

Ce dessin a été rattaché à juste titre à un décor
peint par le Bolonais Domenico Maria Canuti,
dans la première salle de la bibliothèque du
couvent de San Michele in Bosco à Bologne. Ce
décor avait été commandé à l’artiste et au
quadraturiste Giovanni Enrico Haffner par
Taddeo Pepoli, abbé du couvent olivétain appartenant
à une grande famille patricienne et
mécène du peintre depuis de longues dates –
Canuti avait notamment peint pour le palais
familial de la via Castiglione le plafond de la
grande salle représentant l’Apothéose d’Hercule.
Les deux peintres signèrent le contrat le
1er décembre 1677. Les travaux s’étendirent
jusqu’en septembre 1680 et portaient sur la
décoration de plafonds de trois salles dont le
programme iconographique avait été conçu et
financé par le commanditaire. Le plafond de la
première salle représentait les quatre tempéraments
de l’homme, colérique, sanguin, flegmatique
et mélancolique sous la forme de figures
allégoriques dont les attributs et les attitudes sont dérivés de l’Iconologia de Cesare Ripa. Ces
quatre figures reposent sur la calotte terrestre et
semblent en surgir, signifiant par là la Concorde.
La quadrature peinte par Haffner enserrant la
fresque de Canuti prend la forme d’une étoile à
huit branches reposant sur un tambour feint.
Dans les quatre pendentifs qui le supportent,
sont logées d’autres figures allégoriques représentant
les quatre éléments. Le dessin de
Grenoble prépare celui de la Terre sous les traits
iconographiques de la Magna Mater, Cybèle,
tenant le sceptre de son pouvoir de la main
gauche, une corne d’abondance de la droite,
image de la fertilité, et portant sur sa tête une
tour crénelée. Des différences notables
sont à souligner entre le dessin et la fresque. Elles
portent notamment sur la forme de la tour qui,
dans l’œuvre finale, prend une proportion telle
qu’on se demande comment un objet pareil
peut tenir sur une tête. La corne d’abondance
est placée à un autre endroit, à main gauche ; le
sceptre n’est plus figuré. Un enfant est ajouté qui
présente à la Terre une grappe de raisins ainsi
qu’un satyre qui, lui, est placé devant la corne
d’abondance. Enfin, le point de vue est aussi
modifié. Dans le dessin de Grenoble, celui-ci
présente un fort da sotto in sù, si bien que la
masse de la figure présente un fort raccourci.
C’est d’ailleurs ce qui fait tout l’intérêt du dessin
tant cette figure semble compressée, comme
réduite à un pan étroit de draperie d’où surgissent
une tête et des bras. Canuti n’avait peut-être
pas pris en compte les distances entre les
pendentifs et surtout l’emplacement idéal
central du spectateur sous la coupole feinte, à
partir duquel est établi le point de vue.
Canuti a dû réaliser pour ce décor un nombre
considérable de dessins. Il ne reste que cette
feuille ainsi qu’une étude d’ensemble conservée
au musée des Beaux-Arts de Besançon, première
pensée où se lit déjà la disposition définitive[1].
Chose rare, le contrat précisait la fourniture des
« rames de papier bleu pour les cartons… et
1000 pointes pour clouer lesdits cartons sur les
voûtes » (« risme di carta azzura per i cartoni…
e 1000 punte per inchiodare dd.i cartoni sulle
volte »), mais ne parle pas de modelli.
[1] Inv. 1670.
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