Personnages se reposant dans le vomitorium du Colisée
La technique de ce grand dessin est assez fréquente dans l’œuvre d’Hubert Robert. Ce dernier a utilisé comme base une contre-épreuve d’après une pierre noire, aujourd’hui perdue. La reproduction, ainsi obtenue, a été retravaillée pour les contours à la plume et à l'encre noire, et pour les contrastes avec du lavis gris. Pierre Rosenberg a identifié en 1987, parmi les anonymes italiens, un autre dessin, Jeune femme et enfant *[1] , utilisant la même technique mais cette fois avec une contre-épreuve de sanguine.
La composition témoigne d’un goût particulier de Robert pour les imbrications de formes, l’équilibre des volumes et les perspectives complexes où se déploie une succession d’ouvertures (ici les arcades) vers le lointain. Disposées dans un espace rectangulaire, quatre arcades rythment l’image en hauteur et soulignent l’effet de perspective observé d’en dessous. La première et la troisième ouvrent sur des passages sombres qui desservent certainement des espaces inférieurs. La seconde, servant de cadre à l’ensemble, et la quatrième, au fond, ont plus d’ampleur et confèrent de la hauteur et de la monumentalité au cadrage choisi par l’artiste. Cette alternance crée également des jeux d’ombre et de lumière, permettant de rendre plus lisible la complexité de l’espace.
Ce sont les entrailles du Colisée qui fournissent à Robert ce motif. L’amphithéâtre Flavien, la plus imposante ruine antique de Rome, est l’un des monuments les plus appréciés, étudiés, copiés et cités par les artistes depuis la Renaissance. Au XVIIIe siècle, le Colisée attire, comme la villa d’Hadrien à Tivoli ou les Forum romain, tous les jeunes amateurs de paysages, animés de ruines. Ce genre, qui connaît un fort développement en Italie depuis le XVIIe siècle, est renouvelé par une approche plus pittoresque et anecdotique qui est le fait de peintres comme Pannini. Influencé par ce dernier, Hubert Robert, surnommé « Robert des ruines », s’en fera une spécialité. Robert a souvent cité ce monument dans ses œuvres. Alors que l’extérieur est une masse minérale qui, en général, donne une assise aux paysages de ruines, l’intérieur, avec ses espaces de circulation (vomitorium* ou vomitoire), est le support de fantaisies spatiales complexes, souvent animées de petites figures pittoresques rappelant la vie quotidienne romaine.
Après une première formation à Paris, Hubert Robert accompagne en Italie, sans avoir obtenu le Grand prix, le comte de Stainville, futur duc de Choiseul. Arrivé Rome en 1754, le peintre y demeure jusqu’en 1766 et se lie d’amitié avec Fragonard, jeune pensionnaire de l’Académie de France[2]. Le dessin original a certainement été réalisé lors de ce séjour. Il n’est pas exclu que l’artiste ai pu en réaliser la contre-épreuve quelques années plus tard. De ce fait, il est difficile de dire si notre dessin a également été réalisé en Italie ou après le retour de Robert en France. Le motif a été exploité à plusieurs reprises par Robert comme en témoignent deux dessins conservés au Louvre[3].
[1] MG D 618. Contre-épreuve de sanguine, plume et encire noire. H. 17.4 ; L. 22.
[2] Les études de paysages réalisées en Italie par les deux artistes ont parfois été confondues. A Grenoble, Les Carrières (MG 607 / MG D 961, sanguine, H. 39,3 ; L. 32,4, attribué par Jean-François Méjanès) et une Vue du temple de Sibylle à Tivoli (MG D 2462, pierre noire, H. 31.1 ; L. 21.5, attribué par Marianne Roland Michel) étaient entrées dans la collection sous une attribution à Fragonard. Voir Bergatto, 1994, n° 128 et 129, p. 302.
[3] Vomitorium du Colisée avec deux moines, H. 23,7 ; L. 15,8 (RF. 29102) et Vomitorium du Colisée, aquarelle, H. 23,8 ; L. 15,7, datée de 1764 (RF 29101).
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