Un saint ressuscitant un jeune homme

Carlo MARATTI (entourage de)
XVIIe siècle
Sanguine, trait d'encadrement rapporté à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème doublé
28,6 x 19,7 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3547, n°552).

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Ce dessin est incontestablement marattesque. Il est d’ailleurs tellement saturé de signes marattesques qu’il a été attribué par certains connaisseurs à Carlo Maratti lui-même. Cette proposition d’attribution aurait pu être reprise, consignée, voire entérinée.Mais deux éléments nous ont amenés à l’écarter. Tout d’abord, il ne semble pas qu’il y ait dans l’œuvre de ce peintre une scène peinte, gravée et dessinée reprenant le dispositif étudié. Cette constatation a eu pour conséquence de mettre en doute une attribution au peintre lui-même et de repousser cette feuille dans les marges de son œuvre. Carlo Maratti, on le sait, a formé de très nombreux élèves qui l’ont assisté et qui ont peint durant toute leur carrière à la manière de leur maître. Pour certains artistes, tels Andrea Procaccini (1671-1734), Giuseppe Bartolomeo Chiari (1654-1727) et Niccolò Berrettoni (1637-1682), cela pouvait confiner à une sorte de psittacisme stylistique. Et tard dans le XVIIIe siècle, des peintres continuent à faire du Maratti avant qu’une autre esthétique ne triomphe. Si nous avons cité ces trois noms, c’est que chacun d’entre eux pourrait prétendre d’une certaine manière à être érigé au rang d’auteur de ce dessin. Tant dans les dessins connus de Chiari que de Berrettoni (moins peut-être chez Andrea Procaccini), on retrouve une façon de faire fort similaire d’une feuille à l’autre, d’un signe graphique à l’autre. Mais comme pour Maratti, nous n’avons pas trouvé dans leur oeuvre peint, gravé ou dessiné respectif, de compositions reprenant la disposition figurée. Toutefois, si l’on s’en tient à des critères simplement stylistiques, le nom de Berrettoni est celui qui semble le mieux convenir. Sur la plupart de ses études de composition, on retrouve un même usage à la fois souple et appuyé de la sanguine pour définir les contours internes et externes de ses figures. Pour prendre un exemple à portée de main, il suffira de comparer cette feuille à celle conservée dans le même musée (MG D 2201), préparatoire à un tableau peint lors des cérémonies de canonisation de saint Philippe Benizzi en 1671 (Rome, San Marcello al Corso), représentant le Miracle de saint Philippe Benizzi enfant pour s’en assurer. Ce marattisme de bon aloi diffère très légèrement, presque imperceptiblement de celui de Chiari qui, lui, semble plus fluide dans ses lignes, plus soyeux dans l’expression générale des figures. Ces différences, aussi ténues et aussi peu descriptibles soient-elles, fondent notre proposition d’attribution mais sont à prendre avec précaution car les dessinateurs savent user de manières de faire différentes suivant les étapes préparatoires ou/et les sujets à étudier.
C’est sûrement à partir de là que nous aurions dû commencer : identifier la scène représentée. Le saint représenté est un saint thaumaturge : il est en train d’accomplir un miracle. Le corps d’un jeune homme vient d’être exhumé. Il ressuscite grâce au pouvoir surnaturel du saint. Les vêtements liturgiques qu’il porte désignent un religieux de l’ordre des Jésuites, des Théatins ou des Oratoriens, en tout cas appartenant à un ordre récent fondé durant la Contre-Réforme. Peut-être pourrait-il s’agir de saint François Xavier ressuscitant un jeune Indien du royaume de Travancore qui venait d’être enterré. Il ne peut en tout cas s’agir de saint François de Paule, ressuscitant un jeune homme qui venait d’être enseveli sous des décombres, même si dans une fresque de Chiari peinte pour l’église éponyme de Rome entre 1726 et 1727, on retrouve une disposition similaire, tout simplement parce que ce saint est vêtu d’un habit monastique fort différent, constitué d’une simple robe de bure.

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