Deux figures d'hommes nus, l'une en pied, l'autre allongée vue en raccourci

L’attribution traditionnelle de cette feuille au
Cavaliere d’Arpino a été confirmée par
Herwarth Röttgen. Ne pouvant être mise en
rapport avec une composition connue de
l’artiste, il est difficile de donner avec précision
le sujet illustré dans ce dessin. Néanmoins,
malgré la monumentalité qui se dégage de la
feuille, il n’est pas exclu que ces deux hommes
nus puissent être préparatoires à des figures
inclues dans une scène de plus grande ampleur.
Les caractéristiques stylistiques permettent de
penser que l’artiste esquissa la feuille à la fin du
XVIe siècle, période qui correspond au décor du
Salone du Palazzo dei Conservatori de Rome.
En effet, dans la fresque illustrant la Bataille de
Tullus Hostillus contre les Véiens et les Fidénates,
clairement dérivée de la Bataille de Constantin
de Giulio Romano aux Stanze vaticanes, se
trouvent de nombreux groupes d’hommes en
lutte, mais le dessin de Grenoble ne peut être
rapproché de figures précises. Il aurait bien sûr
pu s’agir d’une première pensée pour un groupe
abandonné par la suite, mais cela reste peu
probable, étant donné que, comme chez Giulio
Romano, l’essentiel des figures était composé de
cavaliers luttant contre des fantassins. De façon
plus plausible, le dessin pourrait être compris
comme une première pensée pour les deux
petites figures de Caïn et Abel, insérées dans l’un
des compartiments de la voûte de la sacristie de
la chartreuse de San Martino à Naples, mais
cela ne reste que du domaine de la supposition.
Il ne faut pas non plus exclure que la feuille soit
en rapport avec des lunettes illustrant les
Travaux d’Hercule de la loggia de Corradino
Orsini peinte par Cesari au Palazzo del Pio
Sodalizio dei Picini à Rome vers 1594-1595,
dont certains dessins préparatoires sont proches
stylistiquement de la feuille de Grenoble.
Le dessin témoigne de l’intérêt porté par le
Cavaliere d’Arpino pour l’anatomie. En cela, il
est comparable à une autre feuille conservée
dans une collection particulière new-yorkaise
représentant un Ange en vol, préparatoire à la
fresque de l’Ascension peinte par Cesari en
1599-1600 dans la chapelle du Saint-Sacrement
à la Basilique romaine de Saint-Jean-de-
Latran, ainsi qu’à une autre, conservée au
Kupferstichkabinett de Bâle, étudiant une
figure masculine nue très proche dans son
attitude, à ceci près que celle-ci est représentée
en train de dormir à l’image du Faune Barberini.
Ces trois dessins comptent parmi les
feuilles les plus impressionnantes de l’artiste ;
elles reflètent une admiration pour l’art de
Michel-Ange, référence tant formelle qu’intellectuelle
pour un grand nombre d’artistes tout
au long du XVIe siècle. L’intérêt porté pour
Michel-Ange par le Cavaliere d’Arpino se
traduit dans une œuvre remarquable, le Saint
Michel combattant les anges rebelles, peinte en
plusieurs exemplaires, précisément vers 1592-
1595, date probable du dessin de Grenoble. Les
deux figures d’hommes nus du dessin et le
tableau du Saint Michel présentent la même
source d’inspiration évidente : le Jugement
dernier de la chapelle Sixtine.
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