Homme assis

Conservée sous une paradoxale attribution
à Martin van Valckenborch (1535-1612), le
père d’une illustre famille flamande de paysagistes
et de petites scènes historiques, exilée en
Allemagne, la feuille revient en fait à Cornelis
Dusart. Ce peintre, dessinateur et graveur,
adopte la manière de son maître Adriaen van
Ostade (MG D 737). Il s’agit ainsi de la seconde
feuille de l’artiste à Grenoble. La pose insolite
de l’homme, regardant son poing qui enferme
peut-être un petit verre d’alcool, fait partie
de ces nombreuses études d’instantanés de
Dusart qui mériteront un jour de faire le sujet
d’une exposition. On les trouve, souvent en
grande quantité, dans toutes les collections
d’art graphique du monde.
Ce n’est pas uniquement la finesse des traits
qui rapproche les dessins de Cornelis Dusart
de ceux de Cornelis Bega, mais aussi la technique
utilisée par ces deux artistes. La pierre
noire et la sanguine et/ou la craie blanche se
retrouvent chez l’un et l’autre. Dusart a pleinement
exploité l’immense fonds de dessins
qu’il avait acquis avec l’atelier d’Adriaen van
Ostade (MG D 744).
Dans les Pays-Bas du XVIIIe siècle, les suiveurs
des Van Ostade et de leurs élèves jouissent
toujours d’une grande popularité, comme
le prouvent de nombreuses feuilles de la collection
de Grenoble. Entrées sous les noms
d’Ostade et Dusart, elles reviennent en fait à
des suiveurs : La Partie de cartes interrompue,
attribuée à Dusart (MG D 678), est sans doute
de la main d’Anna de Frey, si on la compare
avec un dessin de cette dernière au département
des gravures et dessins de la bibliothèque
royale de Windsor[1] et la Discussion entre paysans
(MG D 1705 ro et vo) est probablement de
Christina Chalon[2].
L’importance des dessins de Dusart sur l’art
français du XVIIIe siècle, en particulier ceux
exécutés aux trois crayons, n’est pas à négliger,
comme le montrent certaines feuilles de
Watteau ou encore des études plus tardives.
Néanmoins, on ne peut réduire l’oeuvre de
l’artiste hollandais à ces études de figures et on
trouve aussi dans sa production de nombreux
groupes de paysans dans des intérieurs, des
tabagies ou encore des scènes de carnaval.
Outre Ostade, Dusart reçoit l’influence de
Jan Steen, grand maître de scènes drôles et
comiques, qui vit dans les années 1660 à Haarlem[3].
Ainsi, l’humour n’est pas absent dans
ces beaux dessins de Dusart, qui montrent
des hommes assis dans des positions très
variées, parfois proches du comique. Certaines
feuilles sont révélatrices de toute la complexité
propre aux études d’après nature, qu’on qualifie
parfois trop rapidement dans la littérature
ancienne comme « observées sur le vif » :
l’apparition du même modèle sur plusieurs
dessins révèle notamment que l’idée d’une
exécution d’après nature doit être maniée avec
la plus grande précaution et que ces études
dérivent plutôt de séances de pose[4].
[1] Voir White et Crawley, 1994, n°584.
[2] Voir cat. exp. Moscou, 2010, n°108.
[3] Voir Trautscholdt, 1966, p. 180-189.
[4] Voir cat. exp. New York, Fort Worth, Cleveland, 1990-1991, n°32, repr.
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