Charrues démantelées

Johann Heinrich ROOS
vers 1665
Lavis d'encre grise sur dessin sous-jacent au graphite sur papier vergé beige clair
11,2 x 18,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3559, n°2069-2)

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Le cabinet d’arts graphiques de Grenoble conserve plusieurs dessins de Johann Heinrich Roos parmi lesquels nous présentons les trois oeuvres les plus importantes, une Charrue démantelée, un Bélier (MG D 223) et une esquisse de paysages (MG D 379).
Johann Heinrich fait partie d’une grande famille de peintres spécialisés dans la représentation de scènes champêtres montrant des paysans, animées de chevaux, de vaches, de moutons et de chèvres. On recense au moins huit peintres issus de cette famille, actifs principalement en Allemagne, en Hollande et en Italie entre 1650 et 1800. De Johann Heinrich Roos, célébré comme le « Raphaël des peintres de bétail », on ne connaît d’ailleurs pas seulement des paysages champêtres, mais également quelques portraits.
Le biographe Joachim von Sandrart fait son éloge dans son Academia[1] (1683), notamment pour sa manière naturelle de traiter les paysages. Il possède dans sa collection onze peintures de sa main ainsi que cent quinze dessins. Un peu plus tard, Arnold Houbraken ajoute dans son Schilderboek des connaissances précieuses sur la vie de Johann Heinrich, notamment sur sa formation à Amsterdam et atteste ainsi sa renommée en souhaitant lui donner une digne place parmi les artistes néerlandais [2]. Il rappelle à juste titre à quel point l’étude de l’art hollandais est décisive pour lui.
Au début du XIXe siècle, Goethe vante encore le talent des Roos dans la représentation des animaux (MG D 223). Le changement de goût leur sera fatal ainsi qu’à tous les peintres de genre pastoral, leurs oeuvres idylliques étant jugées mensongères, décoratives et insignifiantes. Le mérite de leur réhabilitation dans l’histoire de l’art revient surtout à Hermann Jedding qui publie en 1955 et en 1998 deux livres fondamentaux sur cette famille d’artistes. Léonce Mesnard se distingue ici particulièrement par le fait d’avoir su acquérir, à son époque, des oeuvres d’artistes ignorés qui sont aujourd’hui à nouveau fort recherchés.
Né dans le Palatinat, Johann Heinrich Roos subit toutes les conséquences tragiques de la guerre de Trente Ans. Sa famille, calviniste, se réfugie à Amsterdam en 1640 et l’artiste se forme auprès des peintres animaliers hollandais. Ses maîtres sont Guilliam de Gardijn (vers 1597-après 1646 ; il ne faut pas confondre cet artiste avec Carel du Jardin), Cornelis de Bie et Barent Graat. Un voyage en Italie n’est pas documenté. En tout cas, l’artiste vit dès 1653 à nouveau en Allemagne où il entre au service de l’électeur du Palatinat. En 1667, ce peintre et dessinateur infatigable préfère s’installer avec sa famille à Francfort, ville commerciale lui permettant de mieux vendre ses productions. Il y meurt dans l’incendie de sa maison. La Charrue démantelée date vraisemblablement, selon l’écriture de la signature, des années 1665-1670 alors que la Vache couchée, elle aussi conservée à Grenoble (MG 1380-3) date d’avant 1660[3]. La sûreté et la souplesse que Roos obtient dans sa manière de représenter paysans, bergers et bêtes à cornes, sont en effet remarquables. Les fonds du Kupferstichkabinett de Berlin[4] et du Nationalmuseum de Stockholm[5] le documentent abondamment.
Le dessin de Grenoble fait partie d’un petit groupe qu’on pourrait regrouper sous l’appellation d’« instruments agraires ». Un bel exemple, exécuté un peu plus tôt, est conservé au Kupferstichkabinett de Berlin[6]. La monumentalité des objets décrits ici, les effets soignés de clair-obscur montrent que l’oeuvre a été créée plus tardivement et que ses dessins intéressaient les amateurs, vraisemblablement ceux qui ne pouvaient pas acquérir ses peintures qui se vendaient à des prix considérables.


[1] Partie II, livre III, p. 390 et suiv.
[2] Houbraken, 1719, II, p. 277-279.
[3] Voir Jedding, 1998, p. 119.
[4] Voir cat. exp. Berlin, 1986-1987.
[5] Voir Bjurström, 1972, nos 372 et 414.
[6] Kupferstichkabinett, Inv. no KdZ 6313, cat. exp. Berlin, 1986-1987, no 37a, repr.

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