Cavalier

Jan MARTSZEN LE JEUNE
XVIIe siècle
Pierre noire, lavis d'encre grise sur papier vergé beige
18,8 x 19,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1918)

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Cet élégant cavalier est entré dans la collection du musée de Grenoble avec des propositions d’attribution aux peintres Thomas de Keyser ou « Palamèdes », patronyme qui pouvait renvoyer à l’un des deux frères Anthonie Palamedesz. ou Palamedes Palamedesz[2].
Le grand portraitiste Thomas de Keyser a certes peint quelques figures équestres, mais on sait aujourd’hui que très peu de dessins peuvent lui être attribués[3]. Les frères Palamedesz. étaient quant à eux de meilleurs candidats pour la paternité de notre feuille, mais leurs dessins présentent des caractéristiques stylistiques fort différentes.
La proposition d’attribution à l’un des Palamedesz. reposait sans doute sur une inscription ancienne, portée au verso de la feuille et datant probablement du XVIIIe siècle. Le collectionneur n’a semble-t-il pas prêté attention à une autre annotation plus ancienne, à la sanguine, qui figure également au verso et remonte incontestablement au XVIIe siècle. Celle-ci donne le nom de l’artiste Jan Martszen mais dans une écriture et suivant une orthographe plus difficiles à déchiffrer.
C’est très certainement sa main qu’il faut reconnaître dans la feuille grenobloise. Peintre de batailles mais aussi dessinateur et aquafortiste, Jan Martszen le Jeune a réalisé des figures isolées de militaires dans ses tableaux, ainsi que nous l’apprend Bredius[4]. Dans ses neuf eaux-fortes représentant « différents sujets de batailles »[5], l’artiste place presque invariablement au premier plan un soldat à cheval, de profil, comme dans la feuille grenobloise. Plusieurs dessins de sa main représentent également un unique cavalier. C’est le cas du Chevalier cuirassé que conserve le Rijksmuseum à Amsterdam (Rijksprentenkabinet, Inv. RP-T-1889-A-2197). Les formes de la monture et de son cavalier ont été tracées d’une main assurée à la plume et s’opposent aux contours plus fondus, réalisés à la pierre noire puis à la pointe du pinceau, que l’on trouve dans le dessin présenté ici. Toutefois, dans la feuille d’Amsterdam, Martszen s’est inspiré d’une oeuvre d’un de ses illustres prédécesseurs : pour la monture, il a en effet librement repris Le Grand Cheval, une gravure d’Albrecht Dürer[6] présentant la bête dans la même position de trois quarts dos, accompagnée d’un chevalier en armure qui marche à ses côtés, partiellement caché derrière le corps massif de l’animal. Si les contours des figures dans les dessins de Grenoble et d’Amsterdam sont abordés de façon différente, les touches appliquées au pinceau, notamment dans le costume et la cuirasse, présentent en revanche bien des similitudes.
Le Cavalier conservé dans la collection Frits Lugt est une feuille certaine de la main de Martszen, portant sa signature caractéristique[7] (Cavalier accompagné de son serviteur et de deux chiens, pierre noire, 20,5 x 32 cm, signé et daté en b. à g. : « JM [entrelacés]. D. Jonge 1639 », Inv. no 4481). Datée de 1639, elle est réalisée alors que l’artiste est déjà bien avancé dans sa carrière. On y perçoit néanmoins encore – dans la souplesse du tracé et le choix de la seule pierre noire – l’influence d’Esaias van de Velde, oncle de Martszen, qui est aussi probablement son maître[8]. La technique employée diffère de celle que l’on trouve dans la feuille grenobloise, où la pierre noire n’a servi qu’à l’esquisse sous-jacente – bien visible dans la jambe avant droite du cheval qui n’a pas été reprise à l’encre. On reconnaît cependant dans les deux feuilles une même façon d’exécuter les ombres en courtes hachures parallèles sur la robe des montures, une même assurance et économie du tracé pour les physionomies des personnages comme des chevaux.


[1] La documentation du musée contient une fiche établie en 1992 qui note que la provenance Guichardot était inscrite sur un feuillet intermédiaire (peut-être dans le doublage ancien du dessin). Nous n’avons pu trouver le dessin parmi les feuilles vendues isolément (nos 1-423) ; la feuille de Grenoble devait donc se trouver parmi les « dessins en lots » p. 53-77, nos 424-686bis.
[2] La partie inférieure de la feuille a hélas été coupée à un moment de son histoire privant ainsi la monture des extrémités de ses jambes.
[3] Seuls deux dessins peuvent lui être attribués avec certitude, voir Adams, 1995, p. 174-175, fig. 4 et 5.
[4] Bredius, 1915-1922, II, p. 545 et vol. IV, p. 1233.
[5] C’est ainsi qu’Eugène Dutuit a baptisé ces huit estampes (Dutuit, 1888, V, 1-8), auxquelles une supplémentaire a par la suite été ajoutée ; voir Hollstein, XI, 1-9.
[6] Hollstein German, 94.
[7] Cette façon de signer IMD.Jonge (le « I » dans le « M »), qu’il avait commencé d’utiliser lorsqu’il travaillait dans l’atelier de son père (pour distinguer ses oeuvres des siennes propres) aura pour conséquence que l’on a longtemps cru à l’existence d’un peintre du nom de « M. de Jong ».
[8] Martszen se forme certainement d’abord auprès de son père Jacobus Martens. Lorsque celui-ci quitte Haarlem pour s’installer à La Haye en 1626, Jan entre sans doute dans l’atelier de son oncle Esaias van de Velde. Voir la fiche biographique de Jan Martszen sur le site du RKD.

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