Paysage

Publiée en 1977 parmi les anonymes hollandais,
cette feuille revient, comme l’a bien
reconnu Charles Dumas, à Gillis Neyts[1]. Un
groupe de dessins, stylistiquement similaires,
avec la même liberté d’exécution et les mêmes
dimensions, a été rassemblé par Pierre Gustot
dans son catalogue raisonné, paru en 2008. La
feuille de Grenoble constitue un ajout intéressant
à cet ensemble. L’hypothèse séduisante
que ces dessins étaient à l’origine réunis dans
un carnet d’esquisses, démembré aujourd’hui,
a été émise par différents chercheurs comme
Teréz Gerszi et Pierre Gustot[2]. Citons parmi les
feuilles de cet ensemble, les paysages conservés
à la Staatsgalerie de Stuttgart, à la Biblioteca
Reale de Turin, au Kupferstichkabinett de Berlin
et au Rijksprentenkabinet d’Amsterdam[3].
La provenance de ce carnet demeure pour le
moment difficile à établir mais on constate que
tous ces dessins sont apparus sur le marché de
l’art dans la seconde moitié du XIXe siècle.
À l’aide de petits traits ronds à la plume et à
l’encre brune, associés à des touches de lavis
gris généreusement appliquées, Neyts représente
dans ces feuilles des vallées boisées,
parfois traversées par un large ruisseau caillouteux, bordé par quelques arbustes aux
branches rapidement esquissées, ou flanquées
de châteaux forts en ruine. Dans ces sites, l’artiste
cherche à accentuer leur caractère isolé.
Le dessin de Grenoble, où se devine un ruisseau
dans le plan central, s’attache à décrire
l’aspect escarpé de la gorge, envahie d’une
riche végétation débordante. Gustot identifie
la région représentée comme le bassin sidérurgique
de la vallée de Hoyoux, grâce à une
inscription figurant sur un dessin proche, sans
pour autant qu’il fasse partie de cet ensemble,
illustrant un moulin à eau dans un vallon[4].
Cette région se situe dans la province de
Namur, en Belgique actuelle, et elle forme une
profonde vallée sauvage avant de se jeter dans
la Meuse à Huy.
Si Neyts est, au début de sa carrière, un dessinateur
précis et méticuleux, utilisant souvent
le parchemin, comme le montre le Paysage
de jeunesse, daté de 1650 et conservé dans
une collection particulière, il évolue
avec le temps vers un style plus large et
rapide, conférant à ses oeuvres un caractère
pictural, comme c’est le cas dans la feuille de
Grenoble où l’artiste donne toute la mesure de son talent. Parfois son style s’apparente à celui
des peintres nordiques italianisants, suggérant
chez Neyts un voyage en Italie. Sa manière de
dessiner rappelle en effet celle des artistes du
cercle de Claude Lorrain comme Stefano della
Bella ou Swanevelt, dont Neyts a pu sans doute
voir les oeuvres aux Pays-Bas.
Né peut-être vers 1618 à Overijssel, Neyts est
documenté à Anvers lors de son mariage en 1643. Après un séjour en Espagne, il travaille
dès 1662 à Namur et parcourt la vallée de la
Meuse à cette date comme le montre le dessin
de Grenoble, n’hésitant pas à visiter des
sites sauvages et reculés de la région. Après un
séjour à Lille, l’artiste décède à Anvers en 1687.
Son sens du pittoresque domine sa production
de paysages et de vues de villes animés souvent
par de petites figures. Un deuxième paysage de
Neyts est conservé à Grenoble (MG D 995) ainsi
qu’un troisième, attribué jusqu’alors à August
Querfurt. Cette charmante feuille d’études représente des personnages et différents animaux
(MG D 1496). Un dessin signé, conservé à
Rotterdam, est proche de cette étude de personnages
de Grenoble, ainsi qu’un dessin du
Fogg Art Museum à Cambridge[5].
D’autres artistes se sont intéressés comme
Neyts au paysage mosan. À Grenoble est
conservé un témoignage très tardif de ce goût,
une feuille signée du paysagiste d’Hilversum,
James de Ryck (1806-1882), artiste hollandais
peu connu, qui représente une vue de la Meuse
près de Dinant (MG D 1772).
[1] Communication orale du 11 février 2013.
[2] Voir Gerszi, 1989-1990, n°144, et Gusto, 2008.
[3] Stuttgart, Staatsgalerie, Inv. n°C85/3417 ; Turin, Biblioteca Reale, Inv. n°16581 ; Berlin, Kupferstichkabinett, Inv. n°13540-13541 ; Amsterdam, Rijksprentenkabinet, Inv. n°RP-T-1919-26.
[4] Munich, Staatliche Graphische Sammlung, Inv. n°2068.
[5] Rotterdam,musée Boijmans Van Beuningen, Inv. n°G Neyts 2 (voir cat. exp. Rotterdam, 2001, p. 344) ; Cambridge (Massachusetts), Fogg Art Museum, Inv. n°1969.145.
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