Paysage

Gillis NEYTS
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis gris sur papier vergé crème
19,8 x 31 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1825)

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Publiée en 1977 parmi les anonymes hollandais, cette feuille revient, comme l’a bien reconnu Charles Dumas, à Gillis Neyts[1]. Un groupe de dessins, stylistiquement similaires, avec la même liberté d’exécution et les mêmes dimensions, a été rassemblé par Pierre Gustot dans son catalogue raisonné, paru en 2008. La feuille de Grenoble constitue un ajout intéressant à cet ensemble. L’hypothèse séduisante que ces dessins étaient à l’origine réunis dans un carnet d’esquisses, démembré aujourd’hui, a été émise par différents chercheurs comme Teréz Gerszi et Pierre Gustot[2]. Citons parmi les feuilles de cet ensemble, les paysages conservés à la Staatsgalerie de Stuttgart, à la Biblioteca Reale de Turin, au Kupferstichkabinett de Berlin et au Rijksprentenkabinet d’Amsterdam[3]. La provenance de ce carnet demeure pour le moment difficile à établir mais on constate que tous ces dessins sont apparus sur le marché de l’art dans la seconde moitié du XIXe siècle.
À l’aide de petits traits ronds à la plume et à l’encre brune, associés à des touches de lavis gris généreusement appliquées, Neyts représente dans ces feuilles des vallées boisées, parfois traversées par un large ruisseau caillouteux, bordé par quelques arbustes aux branches rapidement esquissées, ou flanquées de châteaux forts en ruine. Dans ces sites, l’artiste cherche à accentuer leur caractère isolé. Le dessin de Grenoble, où se devine un ruisseau dans le plan central, s’attache à décrire l’aspect escarpé de la gorge, envahie d’une riche végétation débordante. Gustot identifie la région représentée comme le bassin sidérurgique de la vallée de Hoyoux, grâce à une inscription figurant sur un dessin proche, sans pour autant qu’il fasse partie de cet ensemble, illustrant un moulin à eau dans un vallon[4]. Cette région se situe dans la province de Namur, en Belgique actuelle, et elle forme une profonde vallée sauvage avant de se jeter dans la Meuse à Huy.
Si Neyts est, au début de sa carrière, un dessinateur précis et méticuleux, utilisant souvent le parchemin, comme le montre le Paysage de jeunesse, daté de 1650 et conservé dans une collection particulière, il évolue avec le temps vers un style plus large et rapide, conférant à ses oeuvres un caractère pictural, comme c’est le cas dans la feuille de Grenoble où l’artiste donne toute la mesure de son talent. Parfois son style s’apparente à celui des peintres nordiques italianisants, suggérant chez Neyts un voyage en Italie. Sa manière de dessiner rappelle en effet celle des artistes du cercle de Claude Lorrain comme Stefano della Bella ou Swanevelt, dont Neyts a pu sans doute voir les oeuvres aux Pays-Bas.
Né peut-être vers 1618 à Overijssel, Neyts est documenté à Anvers lors de son mariage en 1643. Après un séjour en Espagne, il travaille dès 1662 à Namur et parcourt la vallée de la Meuse à cette date comme le montre le dessin de Grenoble, n’hésitant pas à visiter des sites sauvages et reculés de la région. Après un séjour à Lille, l’artiste décède à Anvers en 1687. Son sens du pittoresque domine sa production de paysages et de vues de villes animés souvent par de petites figures. Un deuxième paysage de Neyts est conservé à Grenoble (MG D 995) ainsi qu’un troisième, attribué jusqu’alors à August Querfurt. Cette charmante feuille d’études représente des personnages et différents animaux (MG D 1496). Un dessin signé, conservé à Rotterdam, est proche de cette étude de personnages de Grenoble, ainsi qu’un dessin du Fogg Art Museum à Cambridge[5].
D’autres artistes se sont intéressés comme Neyts au paysage mosan. À Grenoble est conservé un témoignage très tardif de ce goût, une feuille signée du paysagiste d’Hilversum, James de Ryck (1806-1882), artiste hollandais peu connu, qui représente une vue de la Meuse près de Dinant (MG D 1772).


[1] Communication orale du 11 février 2013.
[2] Voir Gerszi, 1989-1990, n°144, et Gusto, 2008.
[3] Stuttgart, Staatsgalerie, Inv. n°C85/3417 ; Turin, Biblioteca Reale, Inv. n°16581 ; Berlin, Kupferstichkabinett, Inv. n°13540-13541 ; Amsterdam, Rijksprentenkabinet, Inv. n°RP-T-1919-26.
[4] Munich, Staatliche Graphische Sammlung, Inv. n°2068.
[5] Rotterdam,musée Boijmans Van Beuningen, Inv. n°G Neyts 2 (voir cat. exp. Rotterdam, 2001, p. 344) ; Cambridge (Massachusetts), Fogg Art Museum, Inv. n°1969.145.

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